Gare de La Rapée-Bercy
Fiche d’identité
- Nom : Gare La Rapée-Bercy
- Localisation : 5 Boulevard Poniatowski
- Arrondissement : 12e
- Date d’ouverture : 1852 (fret), 1862 (voyageurs) – reconstruite en 1907
- Type : gare de marchandises et de voyageurs
- Gares voisines : Rue Claude-Decaen, Orléans-Ceinture
- État : partiellement démolie
- Correspondance : métro ligne 8
La gare de La Rapée-Bercy : au cœur du nœud ferroviaire de la gare de Lyon
La gare de La Rapée-Bercy se situe au Sud-Est de Paris, dans le 12e arrondissement, entre la Porte de Charenton et la Porte de Bercy. Elle tire son nom du lieu-dit de la Rapée et de la commune de Bercy, créée en 1790 et absorbée par Paris en 1860. Elle jouxte la Seine et se trouve à proximité immédiate du Pont National.
Ainsi, la Rapée-Bercy est localisée dans un maillage ferroviaire d’une rare densité. En effet, la Petite Ceinture vient rejoindre le faisceau en provenance de la gare de Lyon. Dès ses origines, un grand nombre de voies de triage et de quais de déchargement y sont présents.
La gare de La Rapée-Bercy est également située à deux pas des anciens entrepôts de Bercy, spécialisés dans le commerce des vins. Il convient également de la distinguer de la gare voisine de Bercy-Ceinture, qui dépend historiquement du réseau PLM (gare de Lyon).
Plus encore que les autres gares de la Petite Ceinture, son environnement est des plus contraints : la Seine (à l’Ouest), les fortifications (au Sud) – et l’ancien mur de Charenton (à l’Est). La démolition de ce dernier et des bastions 2 et 3 a permis de libérer des terrains, récupérés par le réseau PLM ; cependant le bastion 1 est toujours présent de nos jours.
Aujourd’hui encore, le patrimoine ferroviaire et architectural s’avère particulièrement riche. Cependant, l’avenir ferroviaire de la zone est incertain, en raison de la réalisation de la ZAC de Bercy-Charenton, dont les contours sont en cours de définition.
La Rapée-Bercy : gare de triage et trait d’union entre PLM et PO
La Rapée-Bercy voit le jour en 1854, lors de l’inauguration de la Petite Ceinture Rive Droite. Après avoir relié les Batignolles à la Chapelle en 1852, la Petite Ceinture se dirige vers le Sud-Est de Paris et vient se relier avec les voies de la Compagnie du Paris-Lyon-Marseille (PLM) en 1854.
Un premier raccordement (Sud) est construit entre les voies de la gare de Lyon et la Petite Ceinture, et se dirige vers le Pont National, ouvert dès 1853 pour faciliter les échanges avec la compagnie du Paris-Orléans (PO) via la gare de Tolbiac.
La gare de La Rapée-Bercy est donc avant tout une gare de triage – la 2e en termes de trafic de la Petite Ceinture après celle d’Aubervilliers (Est-Ceinture).
Dès son origine, la gare de La Rapée-Bercy sert au donc transit des marchandises et de matériels d’un réseau à un autre – ou vers les gares de la Petite Ceinture, qui ouvrent à partir de 1856.
Ci-dessus, trois vues des installations de la Petite Ceinture et du PLM à la Rapée-Bercy vues par Eugène Atget depuis les fortifications, en 1913. Source : Gallica.
Le terminus de la Petite Ceinture Rive Droite
Après plusieurs années d’intenses discussions entre les pouvoirs publics et le Syndicat de Ceinture, les trains de voyageurs de la Petite Ceinture font leurs premiers tours de roue le 14 juillet 1862. Les trains relient la gare de l’Avenue de Clichy à la Rapée-Bercy, via Ménilmontant et Charonne.
Le premier bâtiment des voyageurs est construit en bois et offrent un confort plutôt sommaire. La même année, les gares de La Rapée Supérieure et Inférieure (marchandises) sont inaugurées. Cinq ans plus tard, en 1867, la section Rive Gauche de la Petite Ceinture est inaugurée : les trains peuvent faire le tour de la capitale.
La gare de La Rapée-Bercy est souvent mentionnée comme terminus des « services partiels » de la Petite Ceinture. Fait notable : en 1903, une desserte spéciale est mise en service entre La Rapée-Bercy et Versailles Rive-Gauche, avec 2 trains chaque matin et chaque soir.
Un an plus tard, en 1904, la seconde branche du raccordement de Bercy (dit « Nord », car destiné à faciliter les échanges avec les trains de cette compagnie) est inaugurée. Le double-raccordement de Bercy forme ainsi un triangle avec les voies de la Petite Ceinture (voir plus loin).
La nouvelle gare voyageurs de La Rapée-Bercy (1907)
Face à la concurrence grandissante du métro parisien, la Petite Ceinture doit montrer une image de modernité. Dès lors, les installations les plus modestes de la Petite Ceinture Rive Droite doivent impérativement être reconstruites.
Les travaux sont confiés à l’architecte Edmond Delaire, membre de la Société centrale des architectes, de la Société des artistes français, officier d’académie et chevalier de l’ordre du Cambodge.
Ce dernier conçoit les nouveaux bâtiments des voyageurs de la gare de La Rapée-Bercy, qui sont inaugurés en 1907. Il réalise également les installations de la gare voisine de la rue Claude Decaen. De même, il conçoit un accès supplémentaire à la gare d’Est-Ceinture, via la rue d’Aubervilliers, et lui ajoute un bâtiment annexe. Autant de constructions qui ont, hélas, été démolies au tournant des années 60 et 70.
La nouvelle gare est construite à l’emplacement de l’ancien point d’arrêt, remplaçant les anciennes installations en bois et briques. L’architecte innove en emploie le ciment armé pour l’ossature – matériau très peu employé à l’époque et décrié par de nombreux architecte. Dans un souci esthétique, les façades extérieures disposent d’un remplissage en pierre et en brique.
Cette nouvelle gare – l’une des plus récentes de la Petite Ceinture –, est située au 5 Boulevard Poniatowski. Le fronton arbore une mention « Station La Rapée-Bercy », signe de la dimension métropolitaine de la desserte offerte par les trains de Ceinture. Des abris de quais sont installés pour protéger les voyageurs des intempéries. Pour passer d’un quai à un autre, un passage souterrain est aménagé.
Quatre vues de la façade extérieure de la gare de la Rapée-Bercy : les 3 premières datent de 1934, la 4e du début du XXe siècle.
Les installations sont peut-être moins spectaculaires qu’à la gare de la rue Claude Decaen (au niveau des abris de quais, par exemple), mais elles témoignent d’un souci esthétique notable. On notera les deux larges portes d’entrée surmontées d’un arc de plein cintre, surmontés par un toit-terrasse. En revanche, le bâtiment administratif est surmonté d’un toit plus classique, créant une disparité assez originale.
Le raccordement de Bercy et ses branches Nord et Sud (1853 et 1904)
Le raccordement de Bercy est composé de deux branches formant un triangle avec les voies de la Petite Ceinture. Se détachant de l’axe « d’origine » des voies de la gare de Lyon, le raccordement se sépare en deux branches distinctes, ouvertes à 51 ans d’écart.
- Le raccordement « Sud », inauguré dès 1853. Orienté vers le Pont National, est Il vise d’emblée à permettre les échanges entre les gares de Lyon et d’Austerlitz ;
- Le raccordement « Nord », ouvert en 1904, rejoint les voies de la Petite Ceinture au droit de l’ancienne gare de Bercy-Ceinture (PLM). Il vient faciliter les échanges avec les trains de la Compagnie du Nord (en évitant un rebroussement fastidieux), d’où son nom.
Au centre, deux châteaux d’eau permettait le ravitaillement des locomotives. Est aussi présent un bâtiment en briques de deux niveaux pour les cheminots.
Vue aérienne des installations ferroviaires de Bercy en 1921. En bleu : le tracé de la Petite Ceinture ; en jaune, celui du raccordement Sud de Bercy (1853), en rouge, celui du raccordement Nord (1904).
0 : Entrepôts de Bercy
1 : Gare marchandises de la Rapée (Supérieure)
2 : Gare de La Rapée-Bercy
3 : Gare Nicolaï
4a : Gare de Bercy-Ceinture PLM (ancien emplacement)
4b : Gare de Bercy-Ceinture (emplacement actuel)
A : Poste d’aiguillage du Pont de Lyon
B : Poste d’aiguillage du Pont National
Ci-dessous, deux vues aériennes datant du 26 octobre 1961. La photo de gauche est une des rares vues couleurs de la gare de la Rapée-Bercy (peu de temps avant sa démolition). Sur la photo de droite, on distingue le triage de la Rapée-Bercy et les deux branches Nord et Sud du raccordement de Bercy.
La branche Sud du raccordement de Bercy, vue le 26 octobre 1961. Au premier plan, on aperçoit le bâtiment de service de la gare et, à sa gauche, un petit château d’eau aujourd’hui disparu. Au 2nd plan, le triage de la Rapée-Bercy. Au-delà du boulevard Poniatowski, l’entrepôt Danzas, à l’époque desservi par le rail.
Deux vues de la branche Nord du raccordement de Bercy, au niveau du Pont de Lyon, au début des années 1950. La 1e a été capturée depuis le bvd Poniatowski ; la 2e depuis la jonction des 2 branches du raccordement.
Les postes d’aiguillage de La Rapée-Bercy
Au vu du nombre impressionnant de convois transitant par la Petite Ceinture et les deux branches du raccordement de Bercy (marchandises, voyageurs, trains de jonction…), deux postes d’aiguillage contrôlent l’accès aux voies à la hauteur de la gare de La Rapée-Bercy (voir plus haut les points A et B sur la photo aérienne annotée) :
- Le poste du Pont de Lyon (1904) : situé au droit des voies du raccordement Nord et de la Petite Ceinture ;
- Le poste du Pont National (1906) : situé à la jonction du raccordement Sud et de la Petite Ceinture.
Hélas très peu évoqué, le sujet des postes d’aiguillage de la Petite Ceinture a fait l’objet d’un excellent article de Daniel Wurmser, publié dans la revue Voies Ferrées (n°94, mars-avril 1996).
Le poste de Lyon
Au sujet du poste de Lyon, ce dernier écrit que ce dernier « tranchait à la fois par son aspect extérieur et par son équipement intérieur. De type américain Hall-Taylor, il a été l’un des rares postes de ce type utilisé en France. Livré fin 1904 par la Compagnie de Signaux électriques pour le Chemin de fer (à l’époque C.S.E.) pour la mise en service du raccordement nord en direction de Bercy-PLM (Bercy-Ceinture, NDLR), il comprenait 50 petits leviers à course horizontale pour la commande électrique des aiguilles et des signaux. Il englobait les derniers perfectionnements de l’époque, dont l’immobilisation des aiguilles par circuit de voie en cas d’occupation ».
Deux vues du poste du pont de Lyon. Sur la photo 1, une locomotive 230T s’apprête à longer les quais de La Rapée-Bercy. Sur la photo 2, une « yaya » quitte la branche Nord du raccordement de Bercy et rejoint la Petite Ceinture.
L’ensemble était prévu pour assurer le passage de 282 trains et l’exécution de 212 manœuvres par jour, dont des échanges de machines ; ces chiffres montrent en passant l’importance du trafic envisagé à l’époque. Sa démolition en 1978 s’est accompagné d’une légère simplification du plan de voies et du report de ses fonctions au poste du Pont National qui conserve encore quelques signaux mécaniques.
Le poste du Pont National
Le poste du Pont National, comme son nom l’indique, contrôle les aiguilles et les signaux au droit du pont enjambant la Seine et menant vers la section Rive Gauche de la Petite Ceinture. Il contrôlait aussi les nombreuses voies de triage de la Rapée-Bercy et du raccordement (Sud).
À son sujet, D. Wurmser écrivait : « Le poste du Pont National [est] un bâtiment surélevé en bois avec encorbellement et châssis vitré à petits carreaux. Construit par Saxby en 1906 (comme les postes n°5 et 6 de la Chapelle de 1911, NDLR), ses 29 leviers (en 1930) commandaient à la fois le raccordement ouest conduisant aux voies du PLM à Bercy et la tête ouest du faisceau d’échange. Il subsiste toujours, après avoir reçu vers 1975 des grandes baies vitrées et un revêtement qui en ont altéré l’aspect ».
Ayant subsisté jusqu’à notre époque, le poste du Pont National est largement plus présent dans l’iconographie ferroviaire que son voisin du Pont de Lyon. Malheureusement, la partie supérieure est totalement détruite par un incendie en juin 2020.
La Rapée et la gare frigorifique de Bercy
L’histoire des gares de La Rapée (Supérieure et Inférieure) est indissociable de celle des Entrepôts de Bercy. Ces derniers voient le jour au XVIIIe siècle, et sont remis en état en 1825. En 1860, un projet vise à relier les entrepôts de Bercy au chemin de fer du PLM, donnant ainsi naissance à une nouvelle gare de marchandises sur 2 niveaux, inaugurée en 1862.
Pour en savoir plus sur cette gare largement méconnue du grand public, n’hésitez pas à consulter notre dossier.
Qu’est devenue la gare de La Rapée-Bercy ?
Le service de voyageurs de la Petite Ceinture prend fin le dimanche 22 juillet 1934. Il est remplacé par le « bus PC », assuré par la STCRP (l’un des ancêtres de la RATP). Cependant, la gare de la Rapée-Bercy continue de voir passer de nombreux trains de jonction, qui circulent très souvent entre la gare de Lyon et la gare du Nord.
De nombreux trains de marchandises passent également par la gare sans s’y arrêter. Le triage de la Rapée-Bercy connaît une activité importante jusqu’aux années 1980 et la fermeture progressive des gares de marchandises de la Petite Ceinture, dont les activités sont transférées en banlieue.
Le bâtiment voyageurs, quant à lui, est démoli en 1971. À l’Ouest du Pont National, la voie de la Petite Ceinture est coupée pour permettre l’évacuation des déblais du chantier de la ZAC Paris Rive-Gauche en 1993. Seuls les quais de la gare restent présents, ainsi que le poste d’aiguillage Saxby contrôlant l’accès aux voies du Pont National, qui enjambe la Seine. Malheureusement, ce dernier a été presque totalement détruit par un incendie en juin 2020.
Ci-dessous : 6 photos de la gare de Bercy-Ceinture et de la Rapée-Bercy capturées en juin 2020.
En 2007, la halle Gabriel Lamé est entièrement reconstruite. Sous une couverture métallique arrondie de 180m de long, elle accueille une voie ferrée et des quais de déchargement. L’ensemble est conçu pour accueillir 5 trains de 20 wagons chaque semaine, approvisionnant les magasins Monop” et Monoprix depuis une base logistique située à Combs-la-Ville. Le projet prévoyait ainsi le remplacement de 10000 camions par an dans Paris.
Une fois déchargées du train, les marchandises sont transférées sur des camions roulant au gaz naturel. Un très bon exemple de desserte multimodale et écologique – malheureusement stoppée le 1er janvier 2017.
Retrait des voitures UIC et circulation d’un train sur le Pont National (2019)
En 2019, la CMR (Cellule des Matériels Radiés) organise une circulation exceptionnelle sur la Petite Ceinture à la hauteur de la gare de La Rapée-Bercy et sur le Pont National. Le but : retirer les 7 voitures (6 UIC et une Corail) installées depuis 2019, ayant servi à accueillir des personnes sans-abri. Une opération menée dans le cadre du protocole foncier signé entre SNCF Immobilier et la Ville de Paris dans le cadre des travaux de la ZAC de Bercy-Charenton (voir ci-après).
Le retrait des voitures a été mené dans la nuit du 23 au 24 avril 2019, à l’aide des locomotivse BB 64066 et BB 67416. Arrivé par la branche Sud du raccordement de Bercy, le convoi a rejoint la Petite Ceinture et le Pont National. Les voitures Corail ont ensuite été acheminées au Mans en vue de leur déconstruction par la BB 67416. Cette série de photos, capturées par Noah Quach, nous replonge dans l’ambiance nocturne ô combien singulière de cette circulation exceptionnelle.
Le projet de ZAC Bercy-Charenton
En mai 2018, le Conseil de Paris vote la construction de la ZAC de Bercy-Charenton. Ce projet pharaonique devait profondément transformer le paysage du Sud-Est Paris. Ainsi, 6 gratte-ciels (dont une tour de 180 mètres de haut) devaient être construits à l’emplacement des emprises de la gare de La Rapée-Bercy et des voies de triage des gares de Bercy et de Lyon. Ces nouvelles tours devaient faire venir pas moins de 9000 habitants et 13000 emplois De l’autre côté du périphérique, un projet en miroir, nommé Charenton-Bercy, prévoit la construction de nombreux immeubles – dont une tour de 200 mètres de haut. Pourtant, la cette zone s’avère particulièrement mal desservie par les transports en commun.
Notre association et ses partenaires se sont battus pour rappeler le rôle primordial de la Petite Ceinture pour la desserte de cette zone. En janvier 2020, le budget afférent à la reconstruction de la plateforme ferroviaire à l’issue des travaux a été voté par le Conseil d’administration de SNCF Réseau. Le projet prévoyait lune légère déviation vers le Nord de la plateforme ferroviaire (et la construction d’immeubles au ras de cette dernière). Une version qui a été entièrement remise à plat suite aux élections municipales de 2020.
De fait, l’avenir de la Petite Ceinture à Bercy reste incertain. En mai 2022, les contours du nouveau projet ont été dévoilés par D. Belliard, adjoint à la Mairie de Paris en charge de l’urbanisme. Il prévoit la transformation du raccordement de Bercy et de la Petite Ceinture en un vaste espace vert, qui viendrait relier le parc de Bercy au Bois de Vincennes, se prolongeant sur la section ouverte du 12e arrondissement. Par ailleurs, les voies de la PC seraient traversées par un passage à niveau, où passerait la rue Baron Le Roy prolongée vers le nouveau quartier de Charenton-Bercy. Enfin, le projet évoque uniquement la branche Sud du raccordement de Bercy, et non la branche Nord – au risque d’isoler la section Est de la Petite Ceinture.
Dans la nouvelle version du PLU, dévoilée en avril 2023, la Petite Ceinture à Bercy conserve cependant sa classification en zone UGSU (zone urbaine à grands services urbains), compatible avec la reprise des activités ferroviaire. Néanmoins, notre association très vigilante quant à l’avenir de cette zone, afin qu’une coupure dans le linéaire ferroviaire ne soit pas créé au niveau de Bercy-Charenton.