Situation juridique de la Petite Ceinture ferroviaire de Paris

Quelle est la situation juridique actuelle de la Petite Ceinture ferroviaire de Paris ? La ligne est-elle réellement « désaffectée », comme on peut le lire trop souvent ? Quel rôle pour le protocole-cadre entre la SNCF et la Mairie de Paris ? Réponses dans ce dossier.

La Petite Ceinture ferroviaire de Paris est toujours une ligne du réseau ferré national

La Petite Ceinture ferroviaire de Paris est initialement une ligne de chemin de fer circulaire de 32,5 km, ouverte par étapes entre 1852 et 1869.  Si une grande partie des emprises ferroviaires situées dans le 16e arrondissement n’existent plus, la quasi-totalité de la ligne subsiste avec des usages différents :

  • les tronçons Nord, Est et Sud sont peu utilisés pour le transport ferroviaire depuis les années 1990 – 2000 (en bleu dans la carte ci-après ;
  • la partie Ouest, entre les gares d’avenue Henri Martin et de Porte de Clichy (environ 4 km) accueille la ligne C du RER depuis le 25 septembre 1988.
un train spécial affrété par notre association à la gare de Pont Flandre, en septembre 2000. Crédit photo : Bernard Chatreau

Ces installations existantes de la Petite Ceinture ont un point commun, qu’elles soient exploitées ou non : elles font toujours parties intégrantes du réseau ferré national et restent propriété de SNCF Réseau. En conséquence la ligne n’est donc en aucun cas « abandonnée » ou « désaffectée », comme on peut le lire trop souvent dans des articles mal documentés.

L’appartenance de la Petite Ceinture de Paris au réseau ferré national fait appel à une notion juridique stratégique et contraignante, telle que définie par le décret 2002 – 1359. Comme le rappelle l’article 1er de ce décret :

Le réseau ferré national est constitué des lignes ou sections de lignes de chemin de fer suivantes :

- lignes concédées par l’État à la Société nationale des chemins de fer français avant le 31 décembre 1982 et non retranchées du réseau ferré national ;

- lignes ayant fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique depuis le 1er janvier 1983 et mises en exploitation par la Société nationale des chemins de fer français ou par Réseau ferré de France ;

- lignes incorporées au réseau ferré national et non retranchées de ce réseau ;

- lignes dites « voies mères d’embranchement », établies dans les conditions prévues par le décret du 5 mai 1997 susvisé ou en application de dispositions antérieures régissant leur établissement et non retranchées du réseau ferré national.

Décret n°2002 – 1359 du 13 novembre 2002 fixant la consistance du réseau ferré national.

Un train spécial du COPEF en gare de l’Avenue de Saint-Ouen, sur la portion Nord de la Petite Ceinture. Crédit photo : Sylvain Zalkind

Dans la pratique, la Petite Ceinture se décompose aujourd’hui en 3 lignes distinctes :

  • La ligne La Rapée – Batignolles (ligne n°955 000 du réseau ferré national), dite Petite Ceinture Rive Droite, qui relie le réseau de Paris-Saint-Lazare au réseau de Paris-Austerlitz (en croisant les réseaux de la gare du Nord et de la gare de l’Est) ;
  • La ligne Auteuil-Boulogne – La Rapée (ligne n°980 000 du réseau ferré national), dite Petite Ceinture Rive Gauche, qui arpente le Sud parisien et croise les réseaux des gares de Lyon/Bercy, Montparnasse ainsi que le RER C ;
  • La ligne Ermont-Eaubonne – Champ-de-Mars (ligne n°962 000), exploitée par le RER C.

À noter que la section comprise entre la gare d’Auteuil et la gare de Grenelle (soit entre le PK 0 et le PK 2,19 de la ligne Auteuil-Boulogne – La Rapée) a été démolie en 1958, et ne fait donc plus partie du réseau ferré national. Il n’existe aucun vestige des installations concernées.

La branche Ouest du RER C : réutilisation de plusieurs lignes existantes

Depuis septembre 1988, la ligne C du RER réutilise une partie de la section Ouest de la Petite Ceinture, dont :

  • Le parcours « Avenue Henri Martin – Pereire-Levallois » de la ligne Pont-Cardinet – Auteuil-Boulogne, ligne n°971 000 du réseau ferré national, dénommée couramment ligne d’Auteuil (ouverte en 1854) ;
  • Le raccordement de Courcelles, ligne n°969 300 du réseau ferré national, situé entre les gares de Pereire-Levallois et de l’Avenue de Clichy (actuelle Porte de Clichy), ouvert en 1869 et partiellement mis en souterrain pour la ligne C du RER.
RER C VMI raccordement Boulainvilliers Pont Rouelle
Une rame du RER C sur le Pont Rouelle, à proximité de la gare Avenue du Président Kennedy

Le cas particulier des parties terminales de l’ancienne ligne d’Auteuil : les tronçons Auteuil-Boulogne – Avenue Henri Martin et Pereire-Levallois – Pont-Cardinet

Ouvert en septembre 1988 dans la partie ouest de la capitale, le RER C ne reprend qu’une partie de la ligne Auteuil-Boulogne – Pont Cardinet, fermée au trafic voyageurs le 6 janvier 1985 dans le cadre des travaux liées à la future desserte.

Seule la section « Avenue Henri-Martin – Pereire Levallois » est reprise par les trains de la ligne C. Les parties terminales de la ligne d’Auteuil connaissent alors un sort opposé :  la section « Pereire-Levallois / Pont Cardinet » est modernisée et exploitée en navette lors de la mise en service de la ligne C. En revanche, le tronçon « Avenue Henri-Martin / Auteuil-Boulogne » n’est ni modernisé, ni rouvert au trafic. 

Aujourd’hui, les deux sections terminales de la ligne d’Auteuil, n’accueillent finalement plus aucun trafic ferroviaire mais leurs statuts juridiques diffèrent du reste de la ligne.

Tronçon Auteuil-Boulogne / Avenue Henri-Martin

Le tronçon reliant la gare d’Auteuil-Boulogne à Passy-La Muette, fermé au trafic voyageurs en 1985, est déferré en 1993 puis retiré du réseau ferré national en 2008.

Pour autant, il continue d’être la propriété de SNCF Réseau, n’ayant pas été retranché du domaine public ferroviaire. Le site est ouvert au public sous la forme d’un sentier nature depuis 2007. Les vastes emprises de la gare d’Auteuil ont, quant à elle, été vendues à des promoteurs immobiliers pour la construction d’immeubles d’habitation, le long du boulevard Suchet. Les anciens bâtiment-voyageurs de Passy-la-Muette et d’Auteuil accueillent désormais des bars-restaurants. 

6 janvier 1985 : le dernier train de la ligne d’Auteuil s’apprête à quitter la gare d’Auteuil-Boulogne. 

Également déferrée en 1993, la section située entre les gares de Passy-La-Muette et d’Avenue Henri Martin n’est toutefois pas déclassée. Elle constitue ainsi une réserve de capacité pour l’aménagement éventuel de voies de garages d’un terminus intermédiaire en gare d’Avenue Henri Martin pour la ligne C du RER. Cette très courte section, bien que déferrée, fait donc toujours partie du réseau ferré national contrairement à la section Passy-La Muette / Auteuil-Boulogne.

Tronçon Pereire-Levallois / Pont Cardinet

La section de l’ancienne ligne d’Auteuil située entre les gares de Pereire-Levallois et de Pont-Cardinet est modernisée dans le cadre de l’arrivée de la ligne C du RER à Pereire-Levallois.

De septembre 1988 à juillet 1996, une navette ferroviaire circule entre Pereire-Levallois et Pont Cardinet. Utilisée ensuite comme voie de garage pour les trains de la ligne C, la ligne est finalement fermée à tout trafic en 2013.

Une rame Z5300 assurant la navette entre Pont-Cardinet et Péreire de 1988 à 1996. Crédit photo : B. Chatreau

Une courte section de 200 m, entre la place Wagram et la gare de Pereire-Levallois, est toutefois conservée au sein du réseau ferré national afin de pouvoir garer ultérieurement des trains du RER C en fonction des développements futurs et de la fréquentation de la ligne. Une précaution comparable à la disposition retenue dans le secteur Passy-La-Muette – Avenue Henri Martin. L’emprise est ouverte à la promenade depuis juillet 2019, avec maintien des voies ferrées existantes.

Le protocole-cadre entre Réseau Ferré de France et la Ville de Paris (2006 – 2015)

Le 15 juin 2006, un protocole-cadre est signé entre Réseau Ferré de France, alors propriétaire de la Petite Ceinture, et la Ville de Paris. Initialement signé pour 5 ans, il est finalement prolongé jusqu’en 2015. Ce document est disponible intégralement sur notre site.

Ce premier texte définit clairement le statut de la ligne :

La Petite Ceinture relève des biens constitutifs de l’infrastructure ferroviaire apportée en pleine propriété à Réseau Ferré de France à sa création en 1997. Elle fait partie du réseau ferré national. La voie est exploitée […] sur l’ensemble des sections, pour la surveillance des installations, les opérations d’entretien de la voie et de maintenance des ouvrages d’art.

Le protocole rappelle la position de Réseau Ferré de France concernant un usage ferroviaire, à terme :

Dans le cadre des missions qui lui sont confiées par la loi, Réseau Ferré de France entend préserver la continuité et l’intégrité de l’emprise constitutive de la Petite Ceinture, compte tenu de son positionnement stratégique et du potentiel qu’elle représente. La perspective de la reprise d’une circulation ferroviaire sur la petite ceinture s’inscrit sur le moyen/long terme et conduit à préserver les emprises qui pourraient s’avérer indispensables à l’exploitation et à la maintenance de l’infrastructure ferroviaire.

À l’origine de ce protocole, se trouvent notamment la nécessité de « court terme » de remédier « aux difficultés récurrentes d’entretien dont la mise en place de chantiers d’insertion à partir de mars 2006 constitue une première étape » mais aussi de « répondre aux besoins d’usages diversifiés qui s’expriment sur ce territoire aujourd’hui sous utilisé ».

Dans le cadre de ce protocole, Réseau Ferré de France et la Ville de Paris s’accordent des objectifs communs de mise en valeur de la petite ceinture avec un dispositif partenarial permettant, entre autres, de « préserver l’intégrité et la continuité de la plate-forme ferroviaire » et « d’identifier les emprises pouvant faire l’objet d’aménagements adaptés (promenades, jardins, espaces ouverts ponctuellement au public) ». Premier principe commun retenu : la réversibilité des aménagements réalisés à des fins non-ferroviaires. 

Équipe d’entretien de la Petite Ceinture dans le 12e arrondissement. Crédit photo : Jacky Bidon

Dans ce contexte, la Mairie de Paris aménage une promenade, ouverte au public en 2013, dans le 15e arrondissement, entre la place Balard et la rue Olivier de Serres.

Enfin, entre janvier et février 2013, dans la perspective du renouvellement du protocole-cadre, une phase de concertation est ouverte par la Mairie de Paris, qui souhaite recueillir l’avis des Parisiens quant à l’avenir de la Petite Ceinture. Ces derniers expriment très largement leur attachement à la vocation ferroviaire de la ligne.

Promenade aménagée dite « PC15 » ouverte en 2013 entre la place Balard et la rue Olivier de Serres. Crédit photo : Jean-Nicolas Lehec

Le second protocole-cadre entre le groupe SNCF et la Ville de Paris (2015 – 2025)

Un second protocole cadre est signé par le groupe SNCF (SNCF Mobilités et SNCF Réseau) et la Ville de Paris le 17 juin 2015. Dans le cadre de ce nouveau protocole, le groupe SNCF remplace Réseau Ferré de France, disparu le 31 décembre 2014 au profit de SNCF Réseau, en date du 1er janvier 2015.

Signé pour une période de dix ans, ce protocole constitue le document référent actuellement en vigueur concernant l’aménagement de la Petite Ceinture. Ce texte est disponible intégralement sur notre site.

Une différence notable intervient dans ce second protocole : la Ville ne reverse plus de redevances au groupe SNCF pour l’ouverture au public des emprises ferroviaires.

Comme dans le premier protocole, ce texte définit et réaffirme clairement l’appartenance de la Petite Ceinture au réseau ferré national. Ainsi, le préambule du protocole précise :

La Petite Ceinture, propriété de SNCF Réseau, fait partie du réseau ferré national, à l’exception d’un tronçon à l’Ouest, entre Auteuil et la Muette dans le 16e arrondissement, retranché du réseau ferré national en 2008, et de la section du 17e arrondissement comprise entre la rue Alphonse de Neuville et le Pont Cardinet, dite « Tranchée Pereire », fermée en 2013.

Dans son préambule, le protocole revient sur la concertation menée par la Ville de Paris en janvier et février 2013 et les grandes lignes qui ont émergé :

Réversibilité des aménagements et nécessité de conserver la continuité du linéaire de l’infrastructure afin de ne pas hypothéquer de futurs usages pour les transports ; préservation du caractère unique de la Petite Ceinture et valorisation du patrimoine de la ligne ; mixité des usages dans les grandes largeurs du linéaire ; besoin de nature et d’espaces ouverts ; nécessité de sauvegarder le corridor de biodiversité que constitue la Petite Ceinture et prise en considération des services écologiques rendus.

Le texte définit les objectifs de ce protocole-cadre de la manière suivante :

Afin de mettre en valeur la Petite Ceinture, la Ville de Paris et le groupe SNCF mettront en œuvre un dispositif partenarial innovant permettant de :

- Rendre progressivement possible, à compter de 2015, l’ouverture au public du plus grand nombre de tronçons identifiés au Sud, au Sud-Est, à l’Est et au Nord-Est de la Petite Ceinture […] ;

- Faciliter le développement […] des activités de promenade, de loisirs, culturelles, économiques, sportives ou encore liées à l’agriculture urbaine et aux jardins partagés, de manière à mettre en valeur et à faire connaître les lieux et constructions remarquables existant sur ces emprises dont les gares sans affectation aujourd’hui ou certains tunnels et voutes en générant autant que possible des revenus domaniaux ;

- Protéger et valoriser les éléments de patrimoine naturel, architectural et paysager de la petite Ceinture […].

Le dispositif devra impérativement garantir la préservation de la continuité de la plate-forme et ses usages futurs, ce qui passe par la réversibilité des aménagements qui pourraient y être réalisés ; il devra également préserver la continuité de l’exploitation ferroviaire pour les sections circulées et non circulées (câbles).

En d’autres termes, le groupe SNCF et la Mairie de Paris souhaitent œuvrer à la valorisation économique de la Petite Ceinture. Différentes portions sont aménagées et ouvertes au public. Elles peuvent être aujourd’hui visitées dans les 12e, 13e, 14e et 19e arrondissements. Ces derniers ont fait l’objet d’une convention de superposition d’exploitation, signée entre la Ville de Paris et SNCF Réseau.

En revanche, un court tronçon ouvert au public, situé le long des quais de la gare de l’Avenue de Saint-Ouen (dont le bâtiment des voyageurs et le quai Nord est occupé par le Hasard Ludique), n’a pas fait l’objet d’une convention de superposition d’exploitation entre la Ville et SNCF Réseau.

En vertu de ce protocole, un comité de pilotage est mis en place. Il réunit des représentants de la SNCF, de la Mairie de Paris, de l’État, les neuf maires des arrondissements traversés par la Petite Ceinture et les Présidents de groupes au Conseil de Paris.

Ce comité est chargé du pilotage et de la validation de toutes les décisions entre la Ville et SNCF Réseau, propriétaire de la ligne. À noter que les maires des communes de la petite couronne ne sont pas conviés à ce comité, ni Île-de-France Mobilités (autorité organisatrice des transports en Île-de-France).

Petite Ceinture Rive Gauche
La Petite Ceinture dans le 14e arrondissement, sous le pont de la rue Didot. Crédit photo : Jean-Nicolas Lehec

La Petite Ceinture ferroviaire de Paris : une infrastructure préservée pour une offre ultérieure de transport 

En dépit d’une utilisation ferroviaire quasi inexistante aujourd’hui, à l’exception des emprises affectées à la ligne C du RER dans les 16e et 17e arrondissements, la Petite Ceinture ne peut donc pas être considérée comme abandonnée ou désaffectée, de par son appartenance au réseau ferré national et au maintien de la possibilité, affichée par la Ville de Paris et le groupe SNCF, du retour d’une activité de transport à moyen ou long terme.

L’Association pour la Sauvegarde de la Petite Ceinture de Paris et de son Réseau Ferré (ASPCRF) préconise donc que l’ensemble des emprises de la ligne reste dans le giron de SNCF Réseau, avec le maintien du statut « Réseau Ferré National ».