Situé au Nord de Paris, au niveau de la Porte de la Chapelle, le raccordement de l’Évangile vise à relier la Petite Ceinture, le réseau de la gare du Nord et celui de la gare de l’Est. Inauguré en 1873, ses ouvrages métalliques ont été démontés pendant l’été 2021 et doivent prochainement être remplacés par un ouvrage unique, dans le cadre de la construction du CDG Express.
Le raccordement de l’Évangile, trait d’union entre la Plaine-Saint-Denis et la Chapelle-Charbons
Le raccordement de l’Évangile, bien connu des ferroviphiles, est situé au Nord de Paris, à proximité immédiate de la Porte de la Chapelle et de la gare de la Chapelle-Saint-Denis de la Petite Ceinture. À l’origine, il vise à relier la gare de Chapelle-Annexe, située à la Plaine-Saint-Denis à la gare de Chapelle-Charbons – d’où son nom d’origine de « raccordement de la Plaine-Saint-Denis ».
Jusqu’en juin 2019, le raccordement de l’Évangile servait aux échanges de matériels ferroviaires entre les réseaux Nord et Est. Il a également vu passer bon nombre de trains de marchandises.
Déclaré d’utilité publique le 25 juin 1873, le raccordement de l’Évangile se détache des voies de la gare du Nord peu avant d’entrer dans Paris, à la hauteur de la gare marchandises de La Plaine, et passe à l’emplacement de l’ancienne gare de Chapelle-Annexe.
Il traverse ensuite la Porte de la Chapelle en diagonale, puis il enjambe la Petite Ceinture ferroviaire, à deux pas de l’ancien dépôt des locomotives de Ceinture.
Les voies arrivent à hauteur de la gare de marchandises de la Chapelle-Charbons (établie en 1855). Après un virage, les voies se raccordent à la Petite Ceinture ferroviaire, permettent également aux trains de rejoindre le faisceau des voies de la gare de l’Est, à côté de la gare de triage d’Aubervilliers et de la gare voyageurs d’Est-Ceinture.
Chapelle-Annexe : le déplacement des infrastructures de transport au-delà des Fortifications
Au lendemain de la guerre franco-prussienne et des événements la Commune de Paris (1870 – 1871), une grave crise des transports se produit. Longtemps paralysés, les échanges reprennent avec une grande intensité ; toutefois, les infrastructures terrestres et fluviales ne peuvent absorber la reprise. Cette crise met en lumière les nettes insuffisances des infrastructures ferroviaires de la Chapelle.
La solution la plus évidente serait d’agrandir les installations de la Chapelle ; toutefois, la gare est coincée entre les fortifications et les constructions urbains.
Dès lors, la Compagnie du Nord crée sa 1e gare extra-muros, hors des fortifications. Nommée « Chapelle-Annexe », elle sert pour les marchandises lourdes et encombrantes (pierres, fers, fourrages, etc). D’une superficie de 4 ha, elle atteint bientôt 25 ha, étant située dans une zone vide d’habitations.
Dès lors, le raccordement de la Plaine-Saint-Denis (dit de l’Évangile) vise à mettre en relation directe la gare de Chapelle-Charbons et la nouvelle gare de Chapelle-Annexe. À noter que l’ouvrage ferroviaire doit passer au-dessus du fossé des Fortifications (jusqu’à la suppression de ces dernières, en 1919).
Les infrastructures du raccordement de l’Évangile et ses mutations
Dès son inauguration, le raccordement de l’Évangile emprunte 2 ouvrages métalliques. Ces derniers permettent d’enjamber la circulation – et notamment le tramway reliant Paris à Saint-Denis, ainsi que le fossé des fortifications.
Le Pont National
Construit par les établissements Émile Baudet à partir de 1873, ce viaduc de 66,96 mètres comporte deux tabliers métalliques conjoints. Il est constitué de plaques d’acier assemblées grâce à des rivets. Les voies ferrées sont posées directement sur le tablier du pont. Il prend le nom de « Pont National », puisqu’il enjambe la Route Nationale n°1 (actuelle Avenue du Président Wilson).
À noter qu’il porte le même nom que l’ouvrage situé entre les 12e et 13e arrondissement, et qui permet à la Petite Ceinture de franchir la Seine à l’Est de Paris (entre les gares de la Rapée-Bercy et d’Orléans-Ceinture).
Le Pont Soudé
En 1935, la Ville de Paris débute la construction d’un passage souterrain pour les véhicules empruntant le boulevard Ney. En effet, ce dernier a été élargi à la suite de la suppression des fortifications. Un second ouvrage métallique voit alors le jour en 1936, construit par les Ateliers de construction Schwartz-Haumont. D’une longueur totale de 36 m, il vient remplacer l’ancien ouvrage de 10 m enjambant le Boulevard Ney.
Comme pour le Pont National, le viaduc est doté de voies à pose directe (les rails étant posés directement sur la structure métallique du pont).
Selon l’Office technique pour l’utilisation de l’acier :
« L’ouvrage comporte deux tabliers métalliques placés l’un à côté de l’autre, pratiquement identiques. Chaque tablier porte une voie ferrée normale courbe de 1200 m. environ de rayon ; il prend appui sur deux poutres maîtresses […]. Les béquilles reposent sur le sol par appuis en charpente soudée et à rotules. […] Le pont a une portée totale de 79,80 m en 3 travées, dont une centrale de 35,20 m et deux poutres latérales de 22,30 m. […] L’ouvrage est de type mixte, soudé en atelier et au montage ».
De par cette dernière particularité, cet ouvrage se nomme « Pont Soudé ».
Ainsi, le raccordement de l’Évangile / de la Plaine-Saint-Denis comprend d’un total de 5 ouvrages :
- Le Pont National ;
- Le Pont des Quatre Voûtes ;
- Le Pont Soudé ;
- Le Pont des Six Voûtes ;
- Le Pont de la Petite Ceinture.
À noter que les ponts des Quatre Voûtes et des Six Voûtes sont deux ouvrages en maçonnerie visant à faire la jonction entre le Pont National et le Pont Soudé.
Côté Chapelle et côté la Plaine-Saint-Denis, les postes d’aiguillage de la Chapelle n°5 et n°6 contrôlent l’accès aux voies. Construits en 1911, ces postes à leviers sont de type Saxby.
La gigantesque structure de l’entrepôt Calberson-Ney (inauguré en 1976) ne modifie pas le tracé du raccordement de l’Évangile. En revanche, sa construction entraîne la disparition des restes de l’ancien dépôt des locomotives de Ceinture.
La ligne CDG Express et la nouvelle vie du raccordement de l’Évangile
L’arrivée de la ligne CDG Express va considérablement modifier le profil de cette vaste zone du Nord de Paris. Partant de la gare de l’Est, les voies se détacheront peu avant la gare de Rosa Parks. Après un virage vers la gauche, elles passeront en tunnel sous la zone d’activité Cap 18 (construite à l’emplacement des anciens gazomètres de l’usine de la Villette).
Après une trémie en courbe, les voies ressortiront dans l’alignement de l’entrepôt Calberson-Ney. Elles emprunteront ensuite le raccordement de l’Évangile en passant par-dessus la porte de la Chapelle, longera le Campus Condorcet, avant de rejoindre le faisceau de la gare du Nord en direction de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle.
Le dernier train circule sur le raccordement de l’Évangile en juin 2019. Début 2020, la culée en maçonnerie et le poste d’aiguillage de la Chapelle n°5 sont démolis – de même que le poste n°6, caché sous le périphérique. Les rails de la Petite Ceinture sont démontés afin de permettre le passage des véhicules routiers.
Les travaux de démolition des anciens ouvrages du raccordement de l’Évangile devaient débuter au 2nd semestre 2020. Cependant, les travaux sont suspendus en raison d’une décision du Tribunal administratif de Montreuil en date du 9 novembre 2020. Cependant, la Cour administrative d’appel de Paris autorise la reprise des travaux le 18 mars 2021.
Le démontage des ouvrages du raccordement de l’Évangile
Finalement, la démolition des ouvrages débute en juillet 2021. Les ouvrages en maçonnerie (ponts des Quatre Voûtes et des Six Voûtes) sont les premiers à être démolis, pendant que les culées du futur ouvrage sont construites de part et d’autre de la Porte de la Chapelle.
Les 10 et 11 août 2021, les opérations de démontage sont menées. Le Pont National est le premier à être ôté (10 août), tandis que le Pont Soudé est démonté en 2 moitiés (10 et 11 août). Dans les deux cas, des engins de levage viennent soulever les tabliers par en-dessous, avant de les faire rouler à l’emplacement du futur Campus Condorcet, où ils ont été recyclés au cours du 2nd semestre 2021.
Cette opération de très grande ampleur aura nécessité la fermeture d’une grande partie de la Porte de la Chapelle, ainsi que la neutralisation de plusieurs voies de l’échangeur autoroutier entre le Périphérique et l’autoroute A1.
Le nouvel ouvrage du raccordement de l’Evangile
L’appel d’offre pour la construction du projet CDG Express (et donc du nouveau raccordement de l’Évangile) a été déposé par SNCF Réseau le 23 février 2018.
Le lot C (désignant la zone située aux alentours de la Porte de la Chapelle) a été attribué au groupement formé de Chantiers Modernes Construction (mandataire), Dodin Campenon Bernard, Botte Fondations, Extract et VINCI Construction Terrassement. Le résultat de cette procédure de marché public ont été publiés le 6 décembre 2019.
Le projet comprend le creusement d’une galerie souterraine de 1002 mètres sous la zone industrielle CAP 18, mais également « le renouvellement des ponts de [la] Porte de la Chapelle par un pont-rail unique de 296 m de long, pour répondre aux enjeux d’insertion architecturale, urbaine et acoustiques de la ville de Paris ». De par sa conception, l’ouvrage doit donc permettre une circulation plus silencieuse des futures rames du CDG Express.
Le nouveau viaduc disposera d’un tablier de type RaPl bas (2 poutres latérales et un caisson central métalliques sous gabarit bas reliés par des entretoises métalliques, enrobées d’une dalle béton). Le tablier est supporté par 11 appuis fondés profondément sur des pieux de diamètre variable de 1 à 1,4 m, ou des barrettes de largeur 1 m environ.
À l’issue des travaux, les voies de la Petite Ceinture doivent être rétablies par SNCF Réseau. À l’emplacement de l’ancienne gare de la Chapelle-Charbons, un faisceau de 4 voies sera rétabli dès 2025 : 2 pour le CDG Express, et 2 pour le rétablissement du raccordement de l’Évangile entre les réseaux de la gare du Nord et de la gare de l’Est.