Quels enjeux pour la Petite Ceinture ferroviaire de Paris en cette fin d’année 2023 ? Notre association revient sur différents points ayant fait l’actualité de la ligne au cours de ces derniers mois. Dans ce 8e article, focus sur les enjeux autour de la ZAC Bercy-Charenton.
Bercy-Charenton : Baron Le Roy et Poniatowski, deux axes structurants
Au Sud-Est de Paris, la concrétisation de la ZAC Bercy-Charenton suscite de vastes débats. Pour mémoire, ce vaste projet envisage la création d’un nouveau quartier de 3500 habitants et 3900 emplois autour de 2 axes structurants : le Boulevard Poniatowski et la rue Baron Le Roy prolongée.
Cette rue viendrait faire office de trait d’union entre le projet de Bercy-Charenton (côté Paris) et celui de Charenton-Bercy, situé de l’autre côté du périphérique. Et dont le permis de construire a été (re)déposé à l’été 2023.
Le projet de Bercy-Charenton se caractérise par 3 axes principaux :
- Un îlot d’immeubles d’habitation et de bureaux de 35 à 50 mètres de haut, logés dans un quadrilatère formé par le Périphérique, l’échangeur de l’A4, le Bvd Poniatowski et le faisceau des voies de la gare de Lyon/Bercy
- Un triangle formé par les deux branches Nord/Sud du raccordement de Bercy et la Petite Ceinture, qui doit devenir le « hameau ferroviaire », parc de 80 ha
- La rue Baron Le Roy prolongée, croisant la Petite Ceinture et le Bvd Poniatowski avant de plonger sous le Périphérique avec une largeur constante de 25 à 30 mètres.
Le projet de 6 tours – dont une de 180 mètres de haut, avait été abandonné suite aux élections municipales de 2020. En revanche, côté Charenton, une tour de 200 mètres de haut (!) mêlant hôtel et logements sera prochainement mise en travaux.
En outre, on note un net déséquilibre entre le « hameau ferroviaire » et l’îlot d’habitations et de bureaux, de part et d’autre du boulevard Poniatowski. Il eût sans été préférable qu’immeubles et espaces verts soient mieux répartis – et que le nombre d’immeubles soit moins élevé. Un point qui, selon la SEMAPA, aurait compromis la viabilité économique du projet.
Rapée-Bercy : entre tiers-lieux et base-travaux
À l’heure actuelle, les travaux de la ZAC Bercy-Charenton n’ont pas encore démarré – le projet étant toujours discuté par la Ville de Paris, SNCF Réseau et SNCF Immo, propriétaire des infrastructures ferroviaires de la Rapée-Bercy. Si les lieux festifs ont fermé leurs portes pour l’hiver, les activités potagères liées à Bercy-Beaucoup sont toujours en place.
En revanche, la Petite Ceinture est coupée au-dessus des voies de la gare de Lyon. En cause : le remplacement (démarré en mars 2023) d’un ouvrage en maçonnerie enjambant les voies menant au technicentre de la gare de Lyon. Un ouvrage plus moderne en béton armé est en cours de construction.
Point notable : le gabarit prévu pour la Petite Ceinture est conçu pour faire passer 2 voies – et non pas 3 comme à l’origine. En effet, la suppression de la branche « Nord » du raccordement de Bercy est hélas prévue dans le cadre du projet de la ZAC Bercy-Charenton.
Une base-travaux a été installée en lieu et place des voies menant à l’ex-gare de triage de la Rapée-Bercy, à la naissance de l’ex-branche Nord du raccordement de Bercy. En outre, les voies de la Petite Ceinture ont été retirées le long du boulevard Poniatowski afin de permettre l’accès des véhicules.
Enfin, SNCF Réseau entreprend des travaux de remise aux normes de la gare inférieure de la Rapée-Bercy (dite « gare-frigo »). Ce qui laisse entrevoir sa préservation, voire sa réutilisation à des fins de logistique urbaine.
Plusieurs évolutions récentes
Plusieurs éléments sont venus enrichir ces éléments au cours de ces dernières semaines. D’une part, la restitution du bilan de la concertation autour de Bercy-Charenton en novembre dernier. D’autre part, un vœu déposé par le groupe Les Écologistes et examiné lors du dernier Conseil de Paris les 12, 13 et 14 décembre 2023.
De ces 2 documents, 3 points peuvent être notés :
- La présence d’un hôtel logistique – mais sans réelle mention d’un embranchement ferroviaire
- La Petite Ceinture pensée comme espace vert (« hameau ferroviaire ») ou comme élément purement décoratif
- Une absence de réflexion réelle autour de la desserte de ces 2 nouveaux quartiers (Bercy-Charenton + Charenton-Bercy).
En premier lieu, l’hôtel logistique est une excellente initiative. Mais il doit être desservi prioritairement par le rail et accessible uniquement par de petits véhicules routiers. À l’inverse, le risque est de reproduit le scénario Chapelle-International, où la base logistique n’est desservi que par des camions.
À ce titre, cette desserte par le rail doit aussi (et surtout) se faire via la Petite Ceinture – et donc via le Pont National. En outre, sa rénovation et sa réouverture permettraient aux trains de rejoindre le faisceau d’Austerlitz. Ce qui laisserait à la SNCF (ou à ses concurrents) la possibilité d’aller vers Ivry pour les opérations de maintenance. Dans tous les cas, ce point serait bénéfique, puisque permettrait d’accroître l’offre ferroviaire en gares de Lyon, de Bercy et d’Austerlitz.
Bercy-Charenton : une Petite Ceinture décorative ?
Côté Charenton, où le permis de construire de la ZAC Charenton-Bercy est en cours d’examen, les travaux doivent débuter dès le début de l’année 2024. Aussi, SNCF Réseau envisage d’utiliser le terrain de l’ex-gare de la Rapée-Bercy pour installer une base-travaux.
Mais elle se heurte à l’opposition de la majorité municipale parisienne. Comme en témoigne le vœu examiné lors du dernier Conseil de Paris, cette dernière envisage d’accélérer la cadence. L’idée : créer le linéaire de la future rue Baron Le Roy prolongée… sans attendre sa construction en bonne et due forme… et la signature d’un accord définitif avec SNCF Immo et Réseau !
Ainsi, dans le cadre d’une opération d’urbanisme transitoire, une pente de 6% serait construite (de manière temporaire) pour combler les 7 mètres de différence entre la rue Baron Le Roy et les voies de chemin de fer. Ce cheminement piéton traverserait le futur « hameau ferroviaire » et les voies de la Petite Ceinture pour venir rejoindre le boulevard Poniatowski.
Dans tous les cas, la Petite Ceinture et ses raccordements sont uniquement pensés à des fins décoratives – sans réel souci quant à la réversibilité des aménagements.
Bercy-Charenton : une desserte anémique
Alors que les travaux côté Charenton s’apprêtent à débuter, l’absence de prise en compte des questions liées aux mass transit a de quoi laisser perplexe. À court-terme, accélérer l’ouverture au public d’un quartier à la desserte aussi réduite paraît totalement contre-productif.
Comme indiqué dans nos précédents articles, la desserte des futurs immeubles de la ZAC Bercy-Charenton est prévue par :
- Les lignes 8 et 14 du métro (stations Porte de Charenton et Cour Saint-Émilion)
- Le tram T3a
- Une ligne de bus à haut niveau de service (BHNS).
Problème : la ligne 14 est au bord de la saturation. Et risque de l’être encore davantage après son prolongement au Sud de Paris (via Maison-Blanche). De même, compter sur le tram T3a est illusoire, tant cette ligne est déjà saturée sur toute sa longueur et subit les aléas de la circulation automobile. Un point qui, justement, risque de compliquer le trajet du futur BHNS via la rue Baron Le Roy prolongée.
Au-delà, les stations Porte de Charenton et Cour Saint-Émilion sont situées à grande distance du futur quartier. Dans le cas de la ligne 14, la station est située à plus de 800 mètres. Compter sur ces deux arrêts pour offrir une desserte efficace des futurs immeubles des deux ZAC (Bercy-Charenton + Charenton-Bercy) est assez illusoire.
Les préconisations de notre association
Dès lors, notre association, fidèle à la mission qu’elle s’est fixée depuis plus de 30 ans, émet les recommandations suivantes :
- Penser la Petite Ceinture comme un axe structurant de ce futur quartier, et non comme une simple « trame verte » décorative
- L’intégrer dans le schéma de desserte des deux ZAC, tant pour les voyageurs que pour la logistique urbaine
- Remettre en état le Pont National afin de permettre aux trains de fret de rejoindre le faisceau de la gare d’Austerlitz, aux trains de voyageurs d’atteindre les centres de maintenance d’Ivry, à l’activité de la gare de Lyon vers Austerlitz de persister en cas de problème d’exploitation
- Rappeler la nécessité d’une desserte par le rail du futur hôtel logistique
- Penser la gare de la Rapée-Bercy (et particulièrement la gare inférieure) comme une interface fleuve-rail-route
- Relier l’hôtel logistique à la gare des Gobelins et aux Halles de Rungis.
Autant de points cruciaux pour la réussite de cette opération d’urbanisme de très grande envergure – et qui mobilise pleinement notre association.