Symboles et emblèmes de la capitale française, le Champ de Mars et l’incontournable Tour Eiffel ont été largement mis en lumière lors des Jeux olympiques de Paris 2024. Mais 124 ans auparavant, la gare du Champ de Mars était déjà le centre névralgique des transports ferroviaires lors de l’Expo universelle de 1900, voyant passer plus de 10 millions de voyageurs. C’est aussi l’apogée du trafic voyageurs de la Petite Ceinture. Découverte.
Les Expositions universelles, accélérateurs du développement des transports parisiens
À l’instar des Jeux olympiques de notre époque moderne, les Expositions universelles font figure d’événements majeurs, qui attirent un flot considérable de visiteurs venus du monde entier. Et, à ce titre, ils tendent à accélérer considérablement le développement des transports parisiens… tout en révélant, parfois de manière criante, ses insuffisances.
La première Exposition universelle parisienne se tient en 1855, sous l’égide de Napoléon III. Située sur les Champs-Élysées, l’Expo est notamment desservie via la ligne d’Auteuil et la gare de la Porte Maillot. Les Parisiens de l’époque ne craignaient pas de marcher sur de grandes distances…
Les expositions universelles suivantes vont apporter leur lot d’améliorations notables pour les chemins de fer parisiens – notamment pour la Petite Ceinture. Cette dernière est d’ailleurs vue graduellement comme un service métropolitain. À cette fin, un grand nombre de gares sont (re)construites pour améliorer le service de la Ceinture. On notera particulièrement :
- 1867 : inauguration de la Petite Ceinture Rive Gauche (Auteuil – Rapée Bercy) et d’un « branchement provisoire » depuis Grenelle et aboutissant au Champ de Mars ;
- 1878 : reconstruction de l’embranchement desservant le Champ de Mars, expérimentation de la desserte tous les 1/4h sur la Petite Ceinture, ouverture des gares de l’Avenue de Saint-Ouen, du Boulevard Ornano, de Charonne et de Bel-Air-Ceinture (1880)
- 1889 : suppression des passages à niveau de la Petite Ceinture Rive Droite, inauguration de la ligne des Moulineaux (actuel T2)
- 1900 : inauguration du raccordement de Boulainvilliers, de la gare des Invalides et de la gare d’Orsay.
La gare du Champ de Mars connaît trois « vies » successives. Le bâtiment en bois de l’Exposition de 1867, démoli à la fin de cette dernière. Puis celui conçu par l’architecte Juste Lisch (expositions de 1878 et 1889), aujourd’hui à l’abandon à Asnières. Et enfin les vastes installations de l’Expo de 1900 (voir chapitre suivant).
En contribuant activement à la desserte des Expositions universelles (bien plus que les omnibus à chevaux ou les bateaux naviguant sur la Seine), la Petite Ceinture et la ligne d’Auteuil doivent donc être pleinement considérées comme le véritable ancêtre d’une desserte ferroviaire de Paris – sans pour autant desservir le cœur même de la capitale, sauf pour les trains ayant pour terminus/origine la gare Saint-Lazare, la gare du Nord ou le Champ de Mars.
L’Exposition universelle de 1900, gares du Champ de Mars et des Invalides : l’apogée du trafic ferroviaire de la Petite Ceinture
L’Exposition universelle de 1900 constitue l’apogée du trafic de la Ceinture – et des chemins de fer à grand gabarit, à traction vapeur.
Le Champ de Mars devient l’épicentre du trafic ferroviaire de la capitale. Trois gares sont même prévues pour l’événement : une gare terminus au Champ de Mars, une « station » de passage, située en contrebas (et utilisée de nos jours par le RER C), ainsi que la gare des Invalides.
Située au pied de la Tour Eiffel, au droit de l’Avenue de Suffren, la gare du Champ de Mars compte pas moins de de 20 voies et de 12 quais. Elle est conçue pour accueillir les trains :
- de Courcelles-Ceinture au Champ de Mars
- de Bel-Air au Champ de Mars
- de Paris-Nord au Champ de Mars via Courcelles-Ceinture
- de Paris Saint-Lazare au Champ de Mars via le raccordement de Boulainvilliers
- de Paris Saint-Lazare au Champ de Mars via Puteaux la ligne des Moulineaux (ouverte en 1889)
La station du Champ de Mars, quant à elle, est construite en contrebas, le long des quais. Une petite navette la relie à la gare des Invalides. Elle vise aussi (et surtout) à offrir une desserte à la ligne nouvelle des Invalides à Meudon Val-Fleury (dont l’ouverture est retardée d’un an suite à l’effondrement partiel du tunnel de Meudon en 1900).
Sans oublier les trains du service courant de la Petite Ceinture :
- de Paris Saint-Lazare à Courcelles-Ceinture via Auteuil
- de Paris-Nord à Paris-Nord via Courcelles-Ceinture (service circulaire de la Compagnie du Nord, mis en service en 1898)
- de Courcelles-Ceinture à Montsouris via Auteuil.
Pour faciliter l’exploitation, la gare est divisée en 2 groupes. « Le plus important, composé de 12 quais, est celui qui dessert la direction de la Ceinture rive droite et les gares Saint-Lazare et du Nord », précise la revue Le Génie Civil dans son édition du 2 juin 1900.
Du 15 avril au 12 novembre, plus de 48 millions de voyageurs visitent l’Exposition universelle. La gare du Champ de Mars est prévue pour recevoir et faire partir 95 000 voyageurs par jour – avec possibilité de monter à 20 000 voyageurs par heure (!) en faisant partir un train toutes les 3 minutes.
Au total, le « complexe » des trois gares (gare + station du Champ de Mars et gare des Invalides) voit passer 10 millions de voyageurs. Quant à la Petite Ceinture, elle fait transiter 38 millions de voyageurs – soit 8 millions de plus qu’en 1889. Ce chiffre monte même à 56 millions en compte la Petite Ceinture, la ligne d’Auteuil, la ligne des Moulineaux et la navette Champ de Mars – Invalides.
En clair : l’Exposition universelle de 1900 marque un record absolu de fréquentation pour la Petite Ceinture et les chemins de fer parisiens à grand gabarit.
Un apogée de courte durée
Hélas, ce triomphe du chemin de fer « classique », à grand gabarit et à traction vapeur, doit être relativisé. En effet, le métropolitain, qui a fait l’objet de 50 ans de débats acharnés entre les grandes compagnies (soutenues par l’État) et la Ville de Paris, est inauguré le 19 juillet 1900. Construit par et pour la la Ville de Paris, il connaîtra une croissance de plus en plus soutenue, qui sera fatale au service voyageurs de la Petite Ceinture.
Un point auquel nous ne manquerons pas de consacrer un prochain dossier.
De son côté, la gare du Champ de Mars est transformée en gare de marchandises (spécialisée dans le charbon). Ses terrains sont cédés à la Ville de Paris en 1937, donnant naissance au centre sportif Émile Anthoine (voir cartes ci-dessous). Enfin, la station du Champ de Mars, comme la quasi-totalité des installations citées dans ce dossier, a été « récupérée » par le RER C.