La rentrée 2022 fut propice à la multiplications des activités de notre association. Dans ce 3e épisode, focus sur une sélection de cartes de la Petite Ceinture, que nous avons réussi à nous procurer cet été. De quoi permettre une étude de l’insertion de la ligne au sein du paysage urbain, et de mesurer l’intensité du trafic marchandise qui transita sur la ligne jusqu’à la 2e moitié du XXe siècle.
La « carte itinéraire » du Chemin de fer de Ceinture autour de Paris (1853 – 1854)
L’étude de plans et de cartes est toujours un exercice d’un grand intérêt. Elle permet de saisir la relation entre la Petite Ceinture et le tissu urbain dans lequel elle vient s’insérer – d’autant que ce dernier n’a eu de cesse de se densifier autour de la ligne.
Nous avons notamment découvert une très belle « carte itinéraire » de la ligne du « Chemin de fer de Ceinture autour de Paris », dressée sous la direction de M. Couche, Ingénieur en chef, par le conducteur des Ponts et Chaussées. Un document datant probablement de 1853 ou 1854 – année d’inauguration du tronçon entre La Chapelle et La Rapée-Bercy (et du raccordement avec la gare d’Austerlitz via le Pont National).
L’orientation de la carte peut paraître assez déroutante, la Villette étant placée vers le haut. À ce titre, on notera le triple-raccordement entre les réseaux Nord-Est et Ceinture. Mais aussi l’absence de l’embranchement de la Villette – inauguré plus de 10 ans après. En revanche, la ligne d’Auteuil est esquissée sur cette carte (voir en bas à gauche). Toutefois, cette dernière demeure indépendante de la Petite Ceinture, et n’est donc pas représentée sur cette carte.
L’insertion de la Petite Ceinture au sein du tissu urbain
Mais surtout, il est important de noter que la ligne est encore située à l’extérieur de Paris ! La ville n’atteint ses limites actuelles qu’au 1er janvier 1860, absorbant le territoire des communes limitrophes situé à l’intérieur de l’enceinte de Thiers.
À ce titre, on notera le développement inégal de l’urbanisme au sein de ces différentes communes. Celles de l’Est de Paris – Belleville, Ménimontant (et Charonne) sont déjà parcourues de nombreuses voies et sont peuplées de milliers d’habitants, artisans et commerçants. Ces derniers bénéficieront directement du trafic voyageurs de la Ceinture dès 1862.
De même, à droite sur la carte, observez la présence des chais des entrepôts de Bercy, parallèlement aux voies de la gare de Lyon. Ces derniers sont déjà présents depuis le début du XIXe siècle, et ont d’ailleurs été reconstruits en 1820 après un incendie.
En revanche, l’urbanisme des communes des Batignolles ou de Montmartre est encore relativement peu avancé lorsque cette carte est tracée. Seules les portions situées en lisière du mur d’enceinte, près des portes de Paris, sont déjà développées. Ces dernières se développeront très rapidement en marge (et grâce) au chemin de fer.
Cette carte nous permet également de jeter un œil au « Paris d’avant et pendant les travaux d’Haussmann ». Certains axes majeurs de circulation, tels le boulevard de Strasbourg, ont déjà été percés. Plus au Sud, en revanche, le boulevard de Sébastopol et le boulevard de Magenta n’apparaissent pas encore. De même, du côté de la gare Saint-Lazare, on notera la présence du tunnel des Batignolles, finalement démoli entre 1923 et 1925.
La Petite Ceinture de Paris, (presque) une ligne de montagne !
En dernier lieu, ce document présente un profil en long de la ligne. De toute évidence, la ligne est loin d’être parfaitement plane, contrairement à une idée reçue ! En partant des Batignolles, la Petite Ceinture monte doucement, suivant la topographie des terrains situés au Nord de la Butte Montmartre. Après avoir franchi une légère cuvette au droit des voies de la Compagnie du Nord, elle franchit une pente assez raide la menant au Canal de l’Ourcq.
Pour des raisons d’ordre essentiellement financier, la ligne s’enfonce en tunnel sous les quartiers de Belleville et de Ménilmontant (le cimetière du Père Lachaise ne nécessitant aucune expropriation). Néanmoins, la construction de ces deux tunnels a engendré de nombreuses difficultés techniques.
Enfin, sortir du tunnel de Ménilmontant, à la hauteur de l’actuelle gare de Charonne (voyageurs), la ligne descend en pente douce jusqu’à la Seine, où elle rejoint les réseaux du PLM et du Paris-Orléans.
La carte liste également le nom des anciennes communes traversées par la Petite Ceinture : Batignolles, Saint-Ouen, Montmartre, La Chapelle, La Villette, Belleville, Charonne, Saint-Mandé, Bercy, Ivry. Ces dernières ont d’ailleurs donné leur nom aux différentes gares voyageurs de la Petite Ceinture, ouvertes progressivement à partir de 1862.
Enfin, notez que le profil en long a subi plusieurs modifications à l’occasion de la suppression des passages à niveau de la Petite Ceinture. Des travaux de grande ampleur, menés entre 1886 et 1889 en vue de l’Exposition universelle. Ce dernier point fera d’ailleurs l’objet d’un prochain dossier sur notre site !