Gare de la Chapelle-Charbons
Fiche d’identité
- Nom : Chapelle-Charbons
- Localisation : 80 rue de la Chapelle
- Arrondissement : 75018
- Date d’ouverture : 1855
- Type : gare de marchandises
- Gares voisines : la Chapelle-Saint-Denis, Est-Ceinture
- État : en cours de transformation pour le passage du train CDG Express
- Correspondance : métro ligne 12, tram T3b, RER E
Chapelle-Charbons : une gare de la Compagnie du Nord
La gare de la Chapelle-Charbons prend place dans l’un des faubourgs les plus industriels et ferroviaires de Paris. Construite à l’initiative de la Compagnie du Nord, elle tire son nom de l’ancienne commune de la Chapelle (annexée à Paris en 1860) et de sa désignation comme « gare aux charbons » (au pluriel).
Elle est inaugurée en 1855, trois ans à peine après l’ouverture du 1er tronçon de la Petite Ceinture entre les Batignolles et la Chapelle, ouvert en 1852. Elle jouxte également l’usine à gaz de la Villette, inaugurée en 1856, et se situe non loin de la gare voyageurs d’Est-Ceinture.
La gare de Chapelle-Charbons prend place dans un triangle formé par la rue de la Chapelle, les voies ferrées de l’Est et le chemin de fer de Ceinture. Cette zone est souvent nommée « triangle de l’Évangile », de par sa proximité avec le rue du même nom. Elle se situe aussi à la lisière du raccordement entre les réseaux Nord et Est qui, à cette époque, traverse le rond-point de la Chapelle au niveau de la voirie.
À partir de 1870, le dépôt des locomotives de Ceinture borde la gare de Chapelle-Charbons. Il vient prendre place dans l’un des nœuds ferroviaires les plus denses de Paris.
Au cours de la 2e moitié du 20e siècle, le site connaît d’importants changements. Ainsi, la gare de Chapelle-Charbons devient une importante gare de triage. Elle accueille aussi le centre de tri postal de Paris-Nord. C’est aussi là qu’étaient entretenues les voitures postales.
Ci-dessous, trois cartes présentant l’évolution du site de la gare la Chapelle-Charbons en 1857, 1867 et 1874.
Chapelle-Charbons et l’usine à gaz de la Villette
Son histoire est intimement liée à l’usine à gaz de la Villette. En effet, la gare et l’usine sont construits en même temps : Chapelle-Charbons ouvre en 1855 – tandis que l’usine débute ses activités en 1856.
Une histoire de charbon
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le gaz « de ville » n’a rien à voir avec le gaz naturel mais provient… du charbon. En cela, il est donc totalement logique que la gare et l’usine se soient installés à proximité immédiate du réseau de la Compagnie du Nord, qui achemine des trains chargés de houille depuis les mines du Nord de la France.
Pour comprendre le lien entre la houille et le gaz de ville – qui a servi à éclairer Paris pendant toute la 2e moitié du XIXe siècle, il est intéressant de revenir sur le procédé de fabrication du gaz.
- Pour produire du gaz à partir de la houille, on chauffe celui-ci à l’abri de l’air dans des fours ou des cornues (chambres de distillation). La température monte entre 500 et 1500°C.
- Cette opération, nommée pyrogénisation, produit des matières volatiles, dont on extrait le gaz de houille et un résidu solide : le coke. Une tonne de houille génère 300 à 500 m³ de gaz, mais aussi 700 kg de coke, 100 à 150 L d’eau ammoniacale et entre 50 et 80 kg de goudrons.
- Le gaz ne peut être envoyé en l’état sur le réseau de distribution. Aussi, il doit subir différents traitements. Le but : le débarrasser des goudrons, des phénols et des eaux ammoniacales ou encore de l’hydrogène sulfuré, des cyanogène et des phénols.
- Ces traitements, épuration physique et épuration chimique, génèrent des résidus (coke, goudrons, eau ammoniacale, matières épurantes), qui étaient autrefois valorisés et constituaient un revenu pour l’usine.
L’usine à gaz de la Villette : un ensemble industriel aux dimensions colossales
L’usine à gaz de la Villette s’étend sur une surface maximale de 255 322 m², de part et d’autre de la Petite Ceinture de Paris et des voies de la gare de l’Est. À partir de 1867 puis de 1878, la gare voyageurs d’Est-Ceinture est « coincée » entre les différents sites de l’usine, ce qui contribue à son enclavement.
Elle dénombre pas moins de 6 sites distincts :
- L’usine de de distillation et de traitement du gaz, le parc à charbon et l’usine expérimentale
- Les habitations de l’encadrement, chaudronnerie et produits chimiques
- Le chantier des gazomètres
- Le magasin central
- Le chantier à coke
- L’usine à goudrons.
Les immenses structures métalliques des gazomètres culminaient jusqu’à 80 mètres de haut. Elles étaient nettement visibles depuis la rue de l’Évangile et la rue d’Aubervilliers, qui bordent l’usine.
Évangile et Chapelle-Charbons : un nœud ferroviaire d’une rare densité
L’usine à gaz de la Villette – et la gare de Chapelle-Charbons – sont desservies par un maillage ferroviaire extrêmement dense, qui relie les réseaux Nord et Est et la Petite Ceinture de Paris – comme le montre la carte ci-dessous.
Le dépôt des locomotives de Ceinture (1870)
C’est dans cet ensemble ferroviaire qu’est construit le dépôt des locomotives de Ceinture, inauguré en 1870 et situé au 25 du Boulevard Ney. Son but : accueillir et entretenir les locomotives commandées par le Syndicat de Ceinture. Ces dernières sont étudiées et fournies par la Compagnie de l’Est.
Ci-dessous, deux photographies capturées au dépôt des locomotives de la Petite Ceinture vers 1900, pendant les opérations de lavage du matériel ferroviaire.
La Compagnie du Nord se désengage de la traction des trains de Ceinture le 2 avril 1870 : aussi, la Compagnie de l’Est accepte de reprendre l’entretien et la conduite de ces machines.
Elle assurera cette tâche sans faillir jusqu’en 1901. Puis le dépôt est exploité par le Syndicat lui-même, jusqu’à sa dissolution en 1934. Les installations du dépôt sont supprimées lors de la construction de l’entrepôt Calberson-Ney (voir ci-après).
Ci-dessous, trois photographies aériennes de l’emplacement du dépôt des locomotives de Ceinture et du raccordement de l’Évangile (en diagonale). Sur la 1e, prise en 1954, les installations sont encore visibles. Sur la 2e, datant de 1973, elles sont en cours de démolition. Sur la 3e, capturée en 1977, elles ont totalement disparu. On notera par ailleurs l’entrepôt Calberson-Ney, dont on aperçoit la rampe hélicoïdale.
Le raccordement de l’Évangile (1873)
En 1873, la Compagnie du Nord crée un nouveau raccordement au Nord de Paris. Appelé « raccordement de l’Évangile » mais aussi « raccordement de la Plaine Saint-Denis », il enjambe la Petite Ceinture et traverse en diagonale la porte de la Chapelle. Il relie ainsi la gare de Chapelle-Charbons à celle de Chapelle-Annexe, située sur la commune de Saint-Denis.
Pour rejoindre les voies du « triangle de l’Évangile », le raccordement emprunte un total de 5 ouvrages :
- le Pont National (à ne pas confondre avec l’ouvrage du même nom, qui permet à la Petite Ceinture de franchir la Seine entre les 12e et 13e arrondissement) ;
- le Pont des Quatre Voûtes ;
- le Pont Soudé ;
- le Pont des Six Voûtes ;
- le Pont de la Petite Ceinture.
Le Pont National et le Pont Soudé sont deux ouvrages métalliques – le Pont National ayant la particularité d’être riveté. Ils sont munis de voies à pose directe (les rails étant posés directement sur la structure métallique du pont). Les autres ouvrages en maçonnerie (Pont de la Petite Ceinture, Pont des Quatre Voûtes et des Six Voûtes) ont pour fonction d’assurer la continuité du linéaire.
Ces différents ouvrages sont démolis au début de l’année 2020 et au cours de l’été 2021, dans le cadre des travaux du CDG Express (voir ci-après).
Ci-dessous, deux photos de 2019 du raccordement de l’Évangile, qui enjambe la Petite Ceinture et la Porte de la Chapelle.
Les postes d’aiguillage de la Chapelle n°5 et 6
Deux postes d’aiguillage Saxby contrôlent l’entrée des trains en gare de Chapelle-Charbons et sur le faisceau de la Compagnie du Nord (Chapelle n°5 et 6). Ces derniers sont inaugurés en 1911. À noter que le poste n°6 est caché sous le périphérique parisien.
Le poste d’aiguillage de l’Évangile
À l’Est de la rue d’Aubervilliers, les voies de la Petite Ceinture s’acheminent vers la gare d’Est-Ceinture et le triage d’Aubervilliers. De même, un raccordement se dirige vers les voies du réseau de la gare de l’Est. Un poste d’aiguillage, édifié en 1928, contrôle le passage des trains. Il compte un total de 90 leviers de type Saxby à demi-révolution, ce qui en fait le poste le plus important de la Petite Ceinture de Paris.
Ci-dessous : 4 photos du poste d’aiguillage de l’Évangile. Sur la 1e, on distingue nettement l’imposante structure de l’un des gazomètres de l’usine à gaz de la Villette.
Il est également le seul poste de la Petite Ceinture à adopter une architecture de style art-déco. On notera aussi le logo des Chemins de fer de Ceinture (CFC). Aujourd’hui ce poste d’aiguillage est à demi-caché par le pont de la rue d’Aubervilliers.
Ci-dessous, 4 photos d’une rame expérimentale NAT (Nouvelle Automotrice Transilien), future Z 50000 empruntant le raccordement de la Chapelle Saint-Denis, la Petite Ceinture et le raccordement vers les voies du réseau de la gare de l’Est, le 29 mai 2009. En tête, la locomotive BB 17075. Crédit photo : Noah – tous droits réservés.
Que sont devenus la gare de Chapelle-Charbons et l’usine à gaz de la Villette ?
En 1955, la distillation de la houille et les activités de production cessent à l’usine à gaz de la Villette. Les installations sont progressivement démantelées entre 1960 et 1980, et les terrains sont remis à la Ville de Paris. Les gazomètres sont comblés : au-dessus s’installe Cap 18, un hôtel d’entreprises qui accueille notamment les locaux du groupe d’édition Média Participations (et notamment ceux du journal Rustica).
La partie la plus au Sud de la gare de Chapelle-Charbons disparaît dans les années 1970. À la place, des immeubles d’habitation – et de nouvelles rues – voient le jour (rue Moussorgski, rue Tristan Tzara…). Plus à l’Est, l’usine à goudrons cède sa place à la cité Curial-Cambrai.
De part et d’autre de la rue d’Aubervilliers, on construit les immenses entrepôts Calberson-Ney et Calberson Mac Donald. Ils sont inaugurés en 1970 et 1972. L’entrepôt Calberson-Ney, situé à l’Ouest, est construit au-dessus des voies de la Petite Ceinture. Il est souvent appelé « parking Geodis », du nom de cette filiale de la SNCF (ex-Sernam).
Ci-dessous, deux photographies d’une rame RTG (rame à turbine à gaz) qui longe les entrepôts Calberson-Ney et Calberson-Mac Donald en mai 1976. Sur la 1e image, on notera le poste d’aiguillage de la Chapelle n°2, toujours présent de nos jours mais recouvert par le pont de la rue d’Aubervilliers.
La gare de Chapelle-Charbons devient alors l’un des plus grands centres de tri postal de la région parisienne. Le tri en lui-même est effectué sous l’entrepôt Calberson-Ney, où sont entretenues les voitures postales. Le lieu accueille aussi le service des « ambulants », personnels de la Poste qui triaient le courrier dans les wagons postaux pendant que le train rejoignait sa destination.
Plus au Sud, une vaste halle est construite entre 1979 et 1980, et sert à charger et décharger les convois postaux. Point notable : elle est dotée d’un quai central en courbe, qui lui donne une allure très caractéristique.
Jusque dans les années 1980, une part importante du trafic ferroviaire de la Petite Ceinture est dévolu aux convois postaux, qui amènent les allèges jusqu’aux principales gares parisiennes (Saint-Lazare, Est, Nord et Lyon), où elles sont placées en tête ou en queue des train de voyageurs.
L’activité postale du site diminue progressivement à partir de la 2e moitié des années 80. Il cesse totalement en 1994. En cause, l’informatisation du tri postal… et le transfert du courrier du rail à la route. Le site tombe peu à peu en désuétude et devient un repère très prisé des amateurs d’urbex.
Ci-dessous, une série de photos capturées au printemps 2019 sur la Petite Ceinture à la gare de la Chapelle-Charbons
Toutefois, le trafic ferroviaire se poursuit sur la zone d’Évangile jusqu’en juin 2019. Ainsi, jusqu’à 20 trains par jour transitent par les voies de la Chapelle-Charbon. Il s’agit le plus souvent d’échanges de matériels entre la gare du Nord et la gare de l’Est.
Ci-dessous, trois photos très rares de la rame X1501 à la hauteur de la Chapelle-Charbons (Évangile). Elle assure une tournée d’inspection de St-Ouen à Pantin via Emerainville. Photo capturée le 12/03/2014 par Raphaël Iacone – tous droits réservés.
Ci-dessous, une sélection de photos de locomotives BB16000 et BB17000 sur le raccordement de l’Évangile et sur le site de la Chapelle-Charbons, lors d’échanges de matériels entre les réseaux Nord et Est. © Stéphane Demont – tous droits réservés
La ZAC Chapelle-Charbons et le CDG Expresss
Depuis 2019, le site connaît une importante transformation dans le cadre de la ZAC Chapelle-Charbons. Ce vaste projet vise à réhabiliter cette immense zone au Nord de Paris, située à proximité immédiate de la Porte de la Chapelle.
Ainsi, une partie de la gare de triage de Chapelle-Charbons cède sa place à un parc de 3 ha, inauguré au printemps 2020. En revanche, la halle tournante, anciennement dédiée aux convois postaux, reste présente. Elle fait partie intégrante du parc et abrite notamment une aire de jeux.
Le faisceau ferroviaire demeure intact… ou presque. En effet, le triangle de l’Évangile voit sa configuration entièrement modifiée par le passage du CDG Express. À l’horizon 2026, ce train reliera la gare de l’Est à l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle. Pour rejoindre le réseau Nord, les trains passeront sous la zone de Cap 18, puis émergeront grâce à une trémie au milieu des voies de la Chapelle-Charbon.
Sur la carte ci-dessous, le tracé de la ligne est indiqué en rouge.
En juin 2019, le poste d’aiguillage n°2 de l’Évangile (inauguré en 1932) voit passer son dernier train. Les travaux de la trémie du CDG Express démarrent quelques semaines après. Début 2020, les postes d’aiguillage n°5 et n°6 de la Chapelle sont détruits.
Au 2nd semestre 2020, le viaduc de la Chapelle (qui enjambe en diagonale le carrefour de la Porte de la Chapelle) devait être démonté et remplacé par un viaduc en béton. Cependant, les travaux sont suspendus en raison d’une décision du Tribunal administratif de Montreuil en date du 9 novembre 2020. Il est finalement démoli en juillet 2021.
Du milieu du XIXe siècle au début du XXIe, le site de la Chapelle-Charbons aura donc connu de multiples vies. Et notre association n’aura de cesse de rappeler son ADN ferroviaire, qui demeure profondément ancré dans l’histoire de lieu.