Isabelle Lopez, fondatrice et Présidente d’honneur de l’ASPCRF
« Tout mettre en œuvre pour défendre un lieu, de surcroit public, nécessite avant tout de le connaître parfaitement. Une enquête extraordinaire qui a occupé 11 ans de ma vie, de 1993 à 2006. »
Septembre 1991, 12è arrondissement, un son de locomotive à vapeur dans mon salon (!).
Après des recherches, j’apprends qu’au départ de la Gare de Lyon un train va faire le tour de Paris, épisodiquement, sur une ligne inutilisée.
Le 9 novembre 1991, je suis dedans. Quel voyage ! Glisser dans les coulisses de la ville, dans un corridor de verdure, tantôt en tranchée, tantôt en surplomb, offrant les plus beaux regards sur la capitale et son histoire. Pour moi, la « récidive » est évidente. Je prends dès lors d’autres trains comme celui-ci.
Sur celui du samedi 12 décembre 1992 organisé par le Cercle Ouest Parisien d’Étude Ferroviaire (COPEF), les cheminots annoncent que la ligne est menacée de coupure entre les 12è et 13è arrondissements, et que nous profitons, peut-être, du dernier train.
Je me fais alors un pari : celui de prendre le relais de ces trains qui ne passeront plus.
Lundi 14 décembre, je dépose les statuts de l’Association pour la Sauvegarde de la Petite Ceinture Ferroviaire de Paris avec, à la clé une gazette Rive droite Rive Gauche au slogan « Informez-nous, informez-vous ». Rapidement, 125 adhérents l’alimentent d’infos, de photos. La vigie est en place : un média idéal pour mener l’enquête sur ces 1000 hectares de terrains répartis sur 32,5 km de voies traversant 9 arrondissements parisiens.
Avec des associations devenues partenaires, nous sommes sur tous les fronts : ferroviaire, environnemental, architectural, historique, urbanistique,… Et journalistique, car il faut faire connaître le lieu au maximum afin d’éviter qu’il tombe aux mains de lotisseurs peu scrupuleux.
En 1993, un sursis de coupure de la ligne grâce à un recours gagné par L’Écologie pour Paris et Tam Tam contre les travaux de la ZAC Paris-Rive Gauche, permet à l’ASPCRF et à ces mêmes associations, de rouvrir la ligne, une journée, entre les 12è et 13è arrondissements. Le 3 juillet, un autorail loué à la SNCF transporte 800 parisiens entre Bercy et Vaugirard, avec animations dans les gares dont celle de la Glacière aujourd’hui disparue : un événement médiatisé et un formidable regroupement de dix associations roulant toutes dans le même sens, de façon ludique, pour le maintien et la réouverture de la ligne. L’ASPCRF est lancée !
Trois décennies plus tard, de rencontres, de concertations avec la Ville de Paris et la SNCF/RFF, de débats, d’enquêtes publiques, de combats, d’articles de presse, de films, la ligne est toujours là, connue désormais du plus grand nombre, certes avec des aménagements parfois contestables, mais réversibles.
L’emprise résiste et résistera tant qu’on la fera vivre d’une manière ou d’une autre, tant que l’ASPCRF sera là. Aujourd’hui, tout aménageur de ces terrains est tenu de faire avec l’OPINION PUBLIQUE et l’ASPCRF. L’objectif est rempli. Et j’en suis très heureuse. En 2006, j’ai pu tranquillement voguer vers d’autres cieux. La relève était assurée. Les premiers adhérents sont aujourd’hui Président, Trésorier, membres du Conseil d’Administration, regroupant toujours plus de nouveaux passionnés de la ligne ferroviaire et de son environnement. Le site internet a pris le relais de la « gazette ».
Je profite de cette occasion pour remercier toutes celles et tout ceux qui ont cru en l’association que j’ai créée sur un coup de cœur il y a 28 ans. Elle poursuit toujours son objectif grâce à leur combat passionné de tous les instants.
Journaliste, Isabelle LOPEZ vit aujourd’hui en Loire Atlantique. Elle continue d’exercer son métier de communicante au sein d’une commune du Parc Naturel Régional de Brière mais en gardant toujours un œil sur sa ligne préférée « La Petite Ceinture de Paris », grâce au web.
Cliché © Nicolas Chomel – 14/07/1997
De gauche à droite :
Gaston MONNIER qui a reconstruit à l’identique la Marc Seguin, avec l’association l’ARPPI
Didier DARTOIS, 3è adhérent de l’ASPCRF, toujours Trésorier
Isabelle LOPEZ, Présidente et animatrice, alors, de l’ASPCRF
Des pilotes et mécaniciens de locomotives venus donner un coup demain à Gaston
Sylvain ZALKIND, Président du COPEF, qui a fait circuler de nombreux trains touristiques sur la ligne depuis les années 70, et qui a techniquement beaucoup aidé l’association dans l’organisation des voyages et la compréhension de la ligne
Nicolas Chomel
La découverte de la voie ferrée de petite ceinture a été un élément marquant des huit années que j’ai passées à Paris entre 1990 et 1998. La rencontre s’est produite en 1993, alors que je commençais une période de chômage, et m’a permis de découvrir la capitale par ses aspects insolites et bucoliques mais aussi sous l’angle de l’aménagement du réseau de transport urbain. Étant usager quotidien de la ligne N°6 du métro (Étoile-Nation), je savais le plaisir que l’on éprouve à traverser la ville à ciel ouvert et à la vitesse du train et mesurais l’importance d’une ligne circulaire maillant un réseau conçu en étoile, c’est à dire principalement du centre vers la périphérie. Dès sa création, l’ASPCRF a défendu la petite ceinture ferroviaire à travers toutes ses dimensions : patrimoine historique, espace vert urbain et atout majeur du transport public de Paris et de l’Île de France. Ainsi, elle a réuni assez vite des Parisiens friands de nature et de biodiversité, des amoureux du rail historique et des militants du transport public urbain. Nos activités associatives se sont donc structurées sur ces trois axes. La priorité était de faire connaître la ligne au public qui, au mieux, la connaissait partiellement pour avoir croisé des rails en friche, qui dans le jardin des Buttes Chaumont (20è arrondissement), qui dans le parc Montsouris (15è), ou par ses nombreux ponts dans l’Est parisien (Pont de Flandre, rue d’Avron, rue de la Mare, etc.). Les nombreuses promenades organisées sur des tronçons de ligne, directement sur le ballast ou par l’extérieur, nous ont fait parcourir des dizaines de kilomètres dans une ambiance bon enfant et culturelle. Pour les fans d’histoire et les amoureux de la nature sauvage, la circulation de la locomotive à vapeur Marc Seguin près du parc Georges Brassens (15è) en juin 1997, restera un grand moment. La promotion de la réouverture de la voie au transport public de voyageurs, reste pour moi le plus important souvenir. Elle nous a conduit sur le terrain institutionnel et politique et nous a permis de mieux comprendre les obstacles qui, aujourd’hui encore, empêchent que circulent des trains modernes sur la petite ceinture ferroviaire. Je me souviens en particulier d’une rencontre avec le secrétaire du comité d’entreprise de la RATP et de notre participation à l’organisation par le groupe communiste du Conseil Régional d’Île de France des États généraux des transports à l’automne 1997. Déjà dans les années 1990, nous nous opposions à certains écologistes d’EELV qui refusaient la remise en service de la Petite Ceinture ferroviaire et lui préféraient l’installation d’un tramway sur les boulevards des Maréchaux.
Aujourd’hui, alors que j’habite Laval en Mayenne, l’intérêt pour les lignes de chemin de fer ne m’a pas quitté. L’agglomération de Laval, comme bien d’autres villes de France, laisse rouiller sous les ronces des voies ferrées qui, même si elles sont parfois transformées en sentiers pédestres, restent disponibles pour faire circuler à nouveau des voyageurs et des marchandises. Seule manque la volonté politique. Dans ce contexte, la lutte de l’ASPCRF pour la Petite Ceinture ferroviaire de Paris est un exemple de portée nationale.
Cliché : portrait de Nicolas Chomel en juillet 2020.