Dans l’une de ses récentes publications, la Mairie de Paris apprend à ses lecteurs que la Petite Ceinture aurait été « rendue à la vie sauvage en 1934 ». Une bévue qui n’a pas manqué de faire réagir notre association, qui milite depuis près de 30 ans pour la valorisation et la préservation de la vocation ferroviaire de cette ligne unique à Paris.
Cet article a été mis à jour le 19 juin 2020.
Simple coquille ou volonté de réécrire l’histoire ?
Cet article, modifié le 5 juin 2020, intitulé « À la découverte de la petite ceinture et de sa biodiversité » – et publié sur le site officiel de la Ville de Paris – a particulièrement marqué notre attention. Dans son introduction, on peut apercevoir la phrase suivante : « La petite ceinture, patrimoine industriel qui transporta sur ses rails marchandises puis voyageurs, a été rendue à la vie sauvage en 1934 ».
Ce n’est certainement pas la première fois que paraît un article où de telles inexactitudes sont présentes. Régulièrement, des articles fleurissent sur Internet à propos de la Petite Ceinture, qui indiquent la ligne serait « abandonnée depuis 1934 », un espace où la nature « aurait depuis longtemps repris ses droits », etc.
Des circulations ferroviaires régulières jusqu’en 1993 et occasionnelles jusqu’en 2019
Effectivement, le trafic voyageur circulaire a bel et bien été supprimé de la Petite Ceinture en 1934. Mais la ligne a connu un important trafic jusqu’en 1993 ! Trains de jonction et trains de fret ont ainsi continué à arpenter le linéaire de la Petite Ceinture ferroviaire pendant de nombreuses années. La ligne a ainsi permis d’alimenter Paris en marchandises de toute nature grâce à ses nombreuses gares implantées intra-muros. Un point dont il serait bon de se rappeler au vu du nombre de camions polluants circulant à Paris aujourd’hui…
Et n’oublions pas les (très) nombreux trains de découverte ! Pendant des décennies, de nombreuses associations ont ainsi fait découvrir le patrimoine ferroviaire, architectural et urbain de la Petite Ceinture. Notre association, en partenariat avec le COPEF, a ainsi affrété plusieurs de ces trains jusqu’en 2003, au départ de Paris-Nord – et ils ont tous rencontré un franc succès.
Que dire également du train spécial ayant arpenté en janvier 2012 toute la portion Sud de la Petite Ceinture ? Et celui ayant roulé du côté de Bercy-Charenton au printemps 2019 ?
De toute évidence, l’auteur(e) de ces lignes semble avoir omis la totalité de l’histoire contemporaine de la Petite Ceinture. Le texte de cet article a depuis été remis à jour le 14 juin dernier, suite à l’action de notre association. Cependant, la présence de ce type d’erreurs dans des articles publiés sur le site de la Ville de Paris s’avère assez inquiétante. Plus que jamais, notre association demeure vigilante quant au respect des faits historiques à propos de cette ligne.
La question de la réversibilité des aménagements sur la Petite Ceinture
Au-delà de cette erreur de dates, cet article s’avère problématique sur un autre aspect. Certes, il effleure la question du protocole signé entre la Ville de Paris et la SNCF en 2006. Néanmoins, il omet totalement de rappeler le principe de réversibilité des aménagements établis (à la hâte) par la Mairie ces 3 dernières années.
Pourtant, ce principe de réversibilité est la pierre angulaire de ces aménagements. Contrairement à ce que peut laisser penser cet article, la ligne n’est en aucun cas abandonnée à son sort. SNCF Réseau en demeure l’unique propriétaire. Par ailleurs, la Petite Ceinture n’est en aucun cas déclassée : elle fait toujours partie intégrante du réseau ferré national !
Aussi, il est important de rappeler que le protocole-cadre de 2006 (amendé en 2015) impose comme condition sine qua non la réversibilité de ces aménagements. Concrètement, un train doit pouvoir rouler sur la Petite Ceinture – qui n’est ni abandonnée, ni désaffectée.
Enfin, mentionnons la concertation publique de 2013 à propos de l’avenir de la Petite Ceinture. Au cours des débats qui ont eu lieu dans les arrondissements, les Parisiens se sont exprimés sans aucune ambiguïté pour la préservation du caractère ferroviaire de la ligne de Petite Ceinture ferroviaire de Paris. À l’issue de cette concertation, une nette volonté de préserver la continuité du linéaire a pu ainsi être constatée.
La Petite Ceinture, un patrimoine ferroviaire disponible pour les mobilités du XXIe siècle
Au-delà des problématiques évoquées ci-dessus, il ne faudrait en aucun cas considérer la Petite Ceinture comme une infrastructure désuète, témoin d’un « passé industriel » aujourd’hui révolu.
En effet, cette ligne de chemin de fer est établie en viaduc ou en tranchée (plus de 40% du linéaire en tunnels), ce qui en fait sa force en tant qu’infrastructure ferroviaire. Ainsi, la Petite Ceinture permettrait de faire circuler des trains en site propre . Ces derniers ne seraient donc pas soumis aux aléas de la circulation automobile aux carrefours des portes de la capitale.
Devant la saturation des lignes T3a et T3b sur toute leur longueur, la Petite Ceinture doit impérativement jouer un rôle de premier plan. À brève échéance, elle permettrait à la capitale de bénéficier d’un transport rapide et fiable. Elle permettrait ainsi à l’ensemble des Franciliens de profiter d’une ligne efficace pour se rendre d’une porte de Paris à une autre, sans devoir passer par le centre.
Par ailleurs, une telle ligne viendrait desservir les territoires parisiens « oubliés » du métro ou du tramway : les Buttes-Chaumont, le bas du Père-Lachaise…
En employant un matériel roulant silencieux et performant, la Petite Ceinture ferroviaire de Paris pourrait devenir la vitrine d’une mobilité urbaine innovante, qui allierait vitesse, confort et respect de l’environnement. C’est d’ailleurs ce que notre Association préconise depuis plusieurs décennies avec ses partenaires, tant associatifs qu’institutionnels.
Mise à jour du 19 juin 2020
À la suite de cet article et de nos interventions auprès de la Ville de Paris, le site a été dûment corrigé. Une fois encore, notre expertise du sujet a permis de refléter fidèlement la réalité historique.