Quels enjeux pour la Petite Ceinture ferroviaire de Paris en cette fin d’année 2024 ? Notre association revient sur différents points ayant fait l’actualité de la ligne au cours de ces derniers mois. Dans ce 2e article, focus sur le « Jardin des Traverses », ouvert par la Ville dans le 18e arrondissement. Ses aménagements engagent le gabarit ferroviaire de la ligne. Soit autant de problématiques techniques et stratégiques pour la Petite Ceinture de Paris.
La « Promenade Ney », nouvelle section ouverte au nord de la capitale
Dans un article paru il y a pile un an sur notre site, nous évoquions la nouvelle « Promenade Ney ». Cette nouvelle section, ouverte fin septembre 2024 par la Ville de Paris, s’étend de la rue du Poteau à la Porte des Poissonniers, dans le 18e arrondissement.
Elle est divisée en 3 secteurs – le dernier d’entre eux accueillant le « Jardin des Traverses ». Ce projet d’agriculture urbaine, lauréat de la 3e saison de « Pariculteurs », vise à établir une « promenade comestible » (sic) sur la Petite Ceinture.
Une idée pour le moins originale. Si ce n’est que les aménagements sont incompatibles avec le respect du gabarit ferroviaire de la Petite Ceinture, et rendent (en l’état) toute circulation virtuellement impossible.
Le gabarit ferroviaire engagé, la réversibilité abandonnée ?
D’après nos observations, réalisées début octobre 2024, les aménagements réalisés par la Ville de Paris sont les suivants. La voie intérieure est « noyée » sous une couche de sable aggloméré (afin de permettre la circulation des poussettes et des fauteuils roulants).
Quant à la voie intérieure, elle reste à l’air libre – mais quelques « détails » incongrus sont à noter, comme des jardinières posées au milieu de la voie !
Mais surtout, un escalier métallique, situé au droit de l’arrêt du T3b « Diane Arbus », a été installé beaucoup trop près de la voie. Même constat pour les baraquements de la buvette du Jardin des Traverses, dont la façade est à moins d’un mètre des rails.
Le gabarit ferroviaire est donc clairement engagé. La réversibilité des aménagements de cette section de la Petite Ceinture est donc aux abonnés absents. Alors même que cet aspect est au cœur du protocole signé entre la Ville et SNCF Immobilier en 2015.
De quoi poser de sérieuses questions quant à l’avenir de cet accord, qui doit être renouvelé au début de l’année prochaine…
(Encore) une vision à court terme pour la Petite Ceinture !
Les conséquences directes de ces aménagements sont assez simples à comprendre. Puisque l’escalier et la buvette empiètent sur le gabarit ferroviaire, toute circulation ferroviaire devient de facto impossible – ou impose le démontage de ces infrastructures.
Cela révèle surtout une approche centrée sur une utilisation immédiate et locale, privilégiant des fonctions récréatives ou conviviales sans considérer la vocation ferroviaire et les potentiels usages futurs de la Petite Ceinture.
En effet, la ligne reste une infrastructure stratégique, qui conserve un grand intérêt pour tout projet de mobilité durable (logistique urbaine, navettes voyageurs, etc.). Construire sur le gabarit compromet ces projets à long terme, et inscrit – une fois de plus – la Petite Ceinture comme un ensemble de rails « pour faire joli ».
Ironiquement, cette vision pour la Petite Ceinture est en contradiction complète avec les objectifs environnementaux affichés par la Ville de Paris et la Région Île-de-France.
Réduire (voire supprimer) le rôle d’infrastructures ferroviaires, dans un contexte où Paris cherche à décarboner les transports, semble peu cohérent…
L’absence de vision stratégique du gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire
Ces aménagements sont d’autant plus préoccupants qu’ils traduisent un désengagement profond de SNCF Immobilier – entité chargée de la gestion de la Petite Ceinture depuis la signature du protocole-cadre avec la Ville en 2015.
En vertu de ce protocole, et en tant que gestionnaire du patrimoine ferroviaire de la Petite Ceinture, SNCF Immobilier a la responsabilité de veiller à ce que les terrains qu’elle administre restent compatibles avec des usages ferroviaires potentiels.
En autorisant des constructions incompatibles avec le gabarit ferroviaire, SNCF Immobilier adopte une approche strictement immobilière, axée sur la valorisation à court terme des terrains, au détriment de leur potentiel d’infrastructure de transport.
En clair : si ces aménagements par la Ville peuvent voir le jour (et de cette façon), c’est « grâce » au laisser-faire de SNCF Immobilier. Est-ce par opportunisme ou par ignorance ?
Lors du Salon des Maires de France, qui s’est tenu du 18 au 20 novembre dernier, les représentants de la filiale semblaient déjà considérer que la Ville était propriétaire des emprises, et était libre de procéder comme bon lui semblait !
La Petite Ceinture, un atout précieux mais menacé par un cruel manque d’ambition
Une fois encore, notre association rappelle que la Petite Ceinture est une infrastructure unique, qui conserve un potentiel stratégique pour des projets ferroviaires (fret urbain, navettes locales, résilience du réseau en cas de perturbations).
De fait, en ne préservant pas cet usage, SNCF Immobilier compromet la possibilité de réutiliser cette infrastructure dans le futur. Il semblerait opportun (euphémisme) que SNCF Immo adopte une posture plus proactive en se rappelant de la dimension ferroviaire de la PC, en cohérence avec les engagements du Groupe SNCF en matière de transports écologiques !
En termes de logistique urbaine, la Petite Ceinture est un outil précieux pour permettre à Paris d’atteindre ses objectifs environnementaux. Car cette solution, encore sous-exploitée – mais très prometteuse – pourrait réduire les flux de camions en ville.
En autorisant des aménagements qui empiètent sur le gabarit ferroviaire, SNCF Immobilier et la Ville de Paris semblent privilégier une gestion à court terme, sans prendre en compte le potentiel stratégique de la Petite Ceinture pour des projets de transport durable. Ce que notre association ne peut que regretter.