Avenir du Périphérique : remettre la Petite Ceinture ferroviaire au cœur du débat !

À l’approche des élections municipales de 2026, le sort du Périphérique cristallise les passions. Faut-il le transformer en boulevard urbain ? Y installer des feux rouges ? Le végétaliser ? Les candidats rivalisent d’imagination pour « casser » cette frontière de béton qui asphyxie la capitale et l’isole sa banlieue.

Pourtant, ce débat souffre d’un angle mort colossal. Dans l’ombre du ruban d’asphalte du Périphérique, une autre ceinture existe. Une infrastructure ferroviaire continue, en site propre intégral, non désaffectée et techniquement supérieure à toutes les solutions de surface : la Petite Ceinture. Ignorer cet atout ferroviaire majeur dans la réflexion sur l’avenir du Périphérique relève de la faute stratégique.

Autant d’aspect que nous vous proposons d’explorer avec nous dans ce nouveau dossier.

Le Périphérique au-dessus du Canal Saint-Denis, près de la Porte de la Villette. © Jean-Nicolas Lehec

Périphérique et Petite Ceinture : deux rocades, une continuité historique

Pour comprendre l’incongruité de la situation actuelle, il est impératif de revenir à la réalité historique et géographique de Paris. Le débat public traite souvent le Boulevard Périphérique et la Petite Ceinture comme deux entités distinctes, l’une étant une nuisance active, l’autre une promenade bucolique. C’est une erreur fondamentale d’analyse spatiale. Ces deux infrastructures sont, en réalité, des sœurs jumelles, nées de la même matrice : l’enceinte de Thiers.

La Petite Ceinture ferroviaire a été construite à partir de 1852 à l’intérieur des fortifications militaires qui entouraient Paris. Elle servait de ligne de rocade, reliant entre eux les réseaux des différentes compagnies. Un siècle plus tard, lorsque l’État décide de construire le Périphérique, il le fait sur la « Zone », cette bande de terrain non aedificandi (non constructible) située juste devant les murs, à quelques mètres seulement des rails.

Aujourd’hui, sur la quasi-totalité de son tracé, la Petite Ceinture longe le Périphérique. Elles partagent les mêmes espaces, franchissent les mêmes obstacles géographiques et desservent les mêmes portes. Pourtant, le débat actuel sur la transformation du Périphérique, tel qu’il est rapporté par la presse, semble frappé d’amnésie.

On parle de « réduire les voies » automobiles sans proposer d’alternative de transport capacitaire sur le même axe. On évoque la « couture urbaine » entre Paris et la banlieue en se focalisant sur la couverture du Périphérique (coûteuse et complexe), alors qu’une infrastructure de franchissement et de liaison existe déjà, à ciel ouvert ou en tranchée.

Projet concernant le Boulevard périphérique porte de Gentilly. © Le Parisien

Cette myopie est d’autant plus paradoxale que la saturation du Périphérique est causée par un trafic de rocade (de banlieue à banlieue) qui ne trouve pas d’alternative efficace en transports en commun. Les lignes T3a et T3b, bien que populaires, sont une solution de surface lente – et totalement saturée. Les lignes du Grand Paris Express circuleront à la limite de la petite et de la grande couronne – donc trop loin du centre de Paris pour remplacer vraiment le Périph.

La solution pour délester le Périphérique n’est donc pas routière, mais ferroviaire, sur les rails qui sommeillent à ses côtés. Historiquement, la Petite Ceinture a précédé la voiture ; techniquement, elle pourrait lui survivre.

Petite Ceinture ferroviaire de Paris : le mythe de la friche ; un potentiel ignoré

L’argument principal des opposants à une réutilisation ferroviaire – ou plutôt l’absence d’argument, car le sujet est souvent évacué – repose sur l’idée que la Petite Ceinture serait une « friche », une ligne romantique, mais obsolète, définitivement transformée en parc. Il nous faut déconstruire ce mythe avec la plus grande fermeté.

D’un point de vue juridique et technique, la Petite Ceinture n’est ni abandonnée, ni désaffectée. Elle fait partie intégrante du Réseau Ferré National (RFN). Contrairement à ce que l’imaginaire collectif, nourri par l’ouverture de tronçons piétons, pourrait laisser croire, la SNCF n’a jamais procédé au déclassement de la ligne.

Les protocoles signés entre la Ville de Paris et la SNCF en 2006 et 2015 sont très clairs : les aménagements de loisirs doivent être légers et réversibles. Cette précaution n’est pas une coquetterie administrative, c’est la reconnaissance implicite par l’État et la SNCF de la valeur inestimable de cette infrastructure.

La valeur technique de la Petite Ceinture réside dans sa nature de « site propre intégral ». Contrairement au Tramway des Maréchaux (T3a et T3b), qui doit s’arrêter aux feux rouges, gérer les intersections avec les voitures, les piétons et les vélos, la Petite Ceinture ne croise jamais la chaussée à niveau. Elle passe en-dessous (en tranchée ou tunnel) ou au-dessus (en viaduc).

Petite Ceinture Rive Gauche
La Petite Ceinture dans le 14e arrondissement, sous le pont de la rue Didot. Crédit photo : Jean-Nicolas Lehec

Cet aspect, souvent ignoré, change tout en matière d’exploitation. Là où le T3a plafonne à une vitesse commerciale moyenne de 16 à 18 km/h (rendant les trajets longs dissuasifs), une exploitation moderne sur la Petite Ceinture permettrait des vitesses commerciales de 40 à 60 km/h, similaires à celles d’un métro ou d’un RER.

En termes de capacité, cela signifie pouvoir transporter des dizaines de milliers de voyageurs par heure en un temps record, offrant une véritable alternative compétitive aux véhicules routiers sur le Périphérique. Côté marchandises, la Petite Ceinture est située à deux pas d’infrastructures de logistique en plein cœur de ville, comme la gare des Gobelins (13e) ou la future halle Prologis Connect (17e).

Considérer le Périphérique comme une « autoroute urbaine » à apaiser tout en laissant une autoroute ferroviaire vide juste à côté est un non-sens écologique et économique.

Les infrastructures sont déjà là : les tunnels existent, les ponts existent, l’emprise foncière est sanctuarisée, aucune expropriation n’est à prévoir. Construire une telle ligne ex nihilo aujourd’hui coûterait des milliards d’euros et prendrait deux décennies a minima. Or, nous avons cette ligne disponible, sous la main, prête à l’emploi – moyennant une opération de modernisation… et nous débattons de voies réservées et de feux rouges sur le Périph !

La Petite Ceinture ferroviaire de Paris, clé de voûte d’un projet urbain à grande échelle

La transformation du Périphérique ne pourra pas se faire par la seule contrainte. L’idée de transformer cette ceinture routière en « boulevard apaisé » avec des feux piétons, comme évoqué dans le débat actuel, risque de créer une congestion monstre si les usagers n’ont pas d’alternative de report modal puissante. C’est ici que la Petite Ceinture devient la clé de voûte de notre projet urbain.

Le tram T2, qui réemploie l’ancienne ligne SNCF des Moulineaux est un excellent exemple d’utilisation des infrastructures ferroviaires existantes. © Minato ku.

Il ne s’agit pas d’opposer la promenade au train, mais de penser une écologie globale. Le transport ferroviaire est, par essence, le mode de transport le plus écologique. Réactiver la Petite Ceinture pour le transport de voyageurs (et potentiellement de fret léger urbain, pour décharger le Périphérique des camionnettes de livraison) bénéficierait d’un bilan carbone infiniment plus positif que n’importe quelle « végétalisation » de façade.

Moins de voitures et de camions sur le Périphérique grâce au report vers le rail, c’est moins de pollution atmosphérique et sonore pour les riverains.

Perspective sur le Périphérique à la Porte de Saint-Cloud. © Jean-Nicolas Lehec

De plus, les technologies ferroviaires modernes permettent une insertion douce. Nous ne sommes plus à l’époque des trains à vapeur ou des diesels bruyants. Des tram-trains légers, électriques, peuvent cohabiter avec une biodiversité urbaine. Il est tout à fait envisageable de concevoir un projet mixte, où la Petite Ceinture maintient sa fonction de corridor écologique tout en assurant sa fonction première de transport !

Enfin, intégrer la Petite Ceinture au débat sur le Périphérique permettrait de recoudre Paris et sa banlieue bien plus efficacement qu’un simple passage piéton. En connectant les lignes de métro (qui coupent la PC) et les RER, on créerait une super-rocade, un « Météor circulaire », qui permettrait aux habitants de proche couronne de contourner Paris sans saturer le centre ni le Périphérique.

En conclusion, le débat des municipales sur le Périphérique restera cosmétique tant qu’il n’intégrera pas la dimension ferroviaire. On ne résoudra pas les problèmes de l’autoroute urbaine des années 70 sans réveiller l’infrastructure d’exception qu’est la Petite Ceinture ferroviaire. La PC n’est pas un vestige du passé, c’est le futur immédiat d’un Périphérique enfin libéré de son asphyxie. Aux candidats d’avoir l’audace de regarder au-delà du parapet du boulevard, vers les rails situés juste à côté.

Rejoignez-nous et défendez avec nous l’ADN ferroviaire de la Petite Ceinture !

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