L’histoire de la Petite Ceinture ferroviaire de Paris est indissociable de celle des Fortifications de Thiers. Elles sont remplacées par le « Boulevard Périphérique » à partir des années 1950 qui permet de contourner le centre de Paris. Une fonction que pourrait aisément remplir la Petite Ceinture : en tant que « périphérique ferroviaire », sa trajectoire circulaire est à même de répondre aux enjeux écologiques de demain, et soulager de nombreux habitants et travailleurs en Ile-de-France. Décryptage.
Les Fortifications : ce Mur murant Paris, qui rend Paris murmurant
Au commencement étaient les « Fortifs ». En 1814, à la chute de Napoléon, Paris est traumatisée par l’entrée des troupes russes dans la ville. Dès lors, Adolphe Thiers, ministre de Louis Philippe, propose un nouveau système défensif. Longue de 38661 mètres, la barrière des Fortifications est composée de 95 bastions – le 1er étant situé à la Porte de Bercy (et existe toujours).
Les Fortifications de Paris sont construites entre 1841 et 1844, et sont situées à l’époque en-dehors de la ville (dont les frontières étaient tracées par le Mur des Fermiers Généraux, actuelles lignes 2 et 6 du métro). La Petite Ceinture, dont le 1er tronçon ouvre en 1852, prend place à l’intérieur des Fortifications – et vise notamment à faciliter le transport de troupes et de matériels entre les différents bastions.
En 1860, Paris prend ses dimensions actuelles, en “absorbant” le territoire des communes limitrophes situées à l’intérieur de l’enceinte de Thiers. Cette dernière ayant prouvé sa relative inutilité en 1870 et lors de la Première Guerre mondiale, sa suppression est décidée en 1919. À la place du mur, on construit les HBM, ces immeubles en brique rouge offrant des logements peu onéreux.
Mais le mur, c’est aussi son fossé et sa zone non-constructible, dite “non aedificanti”, large de 250 m, où des milliers de “zoniers” vivent dans des abris de fortune. Le gouvernement de Vichy les fait expulser par une loi de 1940. Au sortir de la guerre, l’État adopte une politique volontariste de grands travaux d’aménagements urbains – avec la voiture comme totem. Cette “zone vide” sera utilisée pour la construction d’un certain “boulevard Périphérique”.
De l’enceinte de Thiers au Boulevard Périphérique
Les travaux du Périphérique démarrent en 1956 par le tronçon Est. La boucle est bouclée presque 20 ans après, en 1973. Ce projet, celui d’une véritable autoroute urbaine, est le symbole de toute une époque.
Celui où le train est considéré comme un moyen de transport dépassé, et où la voiture est placée au cœur de tous les déplacements. La ville doit impérativement s’adapter, s’aérer sous peine d’étouffer, selon les urbanistes de l’époque.
Si cette mentalité trouve son apogée dans les années 60 – 70, elle a prend ses racines dès les années 30, alors que le trafic automobile s’accroît fortement. Premiers fruits de cette politique favorable à l’automobile : les tunnels du Boulevard des Maréchaux, qui ouvrent à partir de 1931 (Porte Dauphine, à 2 pas de la gare de l’Avenue Foch).
Hélas, ce qui paraît nettement aujourd’hui comme une politique du “tout voiture” fait plusieurs victimes collatérales : on pense évidemment aux anciens tramways de Paris… mais aussi (et surtout) au Viaduc d’Auteuil et à la gare du Pont du Point du Jour.
Suite à l’arrêt du service voyageurs de la PC en 1934, ils sont démolis entre 1958 et 1960 afin de laisser place à une voie rapide via le pont du Garigliano et le Boulevard Exelmans. Aujourd’hui, un parking, nommé en hommage à Claude François, remplace en partie l’élégante gare du Point du Jour.
Pour un Périphérique ferroviaire !
Cinquante ans plus tard, on mesure l’énorme impact qu’a eu le périphérique. Cette véritable autoroute urbaine occupe une largeur de 14 m et cause une coupure nette dans le tissu urbain d’environ 30 à 60 m de large.
Jadis symbole de la marche triomphante du progrès, le périphérique constitue bien davantage une frontière entre Paris et les communes de la petite couronne – au lieu d’en faire un espace continu.
Aujourd’hui, son avenir fait l’objet de vastes débats. Diminution de la vitesse maximale, voie réservée au covoiturage et aux transports en commun… le périph’ a fait l’objet d’une consultation organisée mi-2023 par la Mairie de Paris.
Dans ce contexte, et au vu de la saturation des lignes existantes, renforcer les transports pour offrir un report modal de la voiture aux trains est essentiel. Permettre aux Franciliens de se déplacer rapidement d’une porte de Paris à une autre est une priorité majeure – notamment pour répondre aux enjeux climatiques de demain.
À ce titre, rappelons que Paris possède déjà son “périphérique ferroviaire” depuis plus d’un siècle et demi : la Petite Ceinture ! Ses 23 km forment ainsi une réserve de capacité unique en Île-de-France. Un atout que notre association continuera de défendre, comme elle le fait depuis plus de 30 ans !