Position de notre Association vis-à-vis du protocole de juin 2015

, par Bruno Bretelle

Plusieurs évolutions du projet de la Ville de Paris depuis 2012 méritent d’être soulignées.

 1- Baisse importante du budget d’investissement

Fin 2012, dans une interview donnée au Journal du Dimanche [1], Anne Hidalgo annonçait que l’ouverture au public de la Petite Ceinture ferroviaire serait un « axe très important » de son programme et un « enjeu majeur » de la mandature actuelle (2014-2020). Elle y annonçait une dépense d’investissement « de moins de 7 millions d’Euros par kilomètre ».

La longueur de la boucle ferroviaire concernée par ce projet est d’environ 25 kilomètres, composée de :

  1. 23 kilomètres environ pour la Petite Ceinture au Sud, à l’Est et au Nord, auxquels il faut retrancher les 1,3 kilomètres de la promenade ouverte dans le 15e arrondissement en 2013, c’est-à-dire durant la précédente mandature ;
  2. 2 kilomètres environ pour les restes de la ligne d’Auteuil à l’Ouest , dans les 16e et 17e arrondissement, auxquels il faut retrancher les 1,2 kilomètres du Sentier Nature déjà ouvert dans le 16e arrondissement.

Au total, sur environ 25 kilomètres, il reste environ 22,5 kilomètres à ouvrir au public. Au coût kilométrique annoncé, l’aménagement d’une telle longueur représenterait un budget d’investissement d’environ 150 millions d’Euros.

Or le budget d’investissement voté sur la mandature, c’est à dire d’ici 2020, pour permettre l’ouverture au public de nouvelles sections de la boucle ferroviaire, est de 15 millions d’Euros, soit dix fois moins que le budget prévu fin 2012. La cause en est sans doute la dégradation de la situation financière de la Ville de Paris ces dernières années.

Par ailleurs, les promenades dans les 15e et 13e arrondissements permettent d’avoir une idée du coût d’aménagement. La promenade du 15e arrondissement a coûté en moyenne 4,5 millions d’Euros du kilomètre et celle du 13e arrondissement 4 millions d’Euros. La différence s’explique principalement par l’absence de moyens d’accès (ascenseurs, escaliers et rampes) dans le 13e, l’accès se faisant de plain-pied depuis la voirie, au contraire de la promenade du 15e arrondissement.

Par conséquent, la Ville doit dorénavant satisfaire les demandes des dix arrondissements traversés par la boucle ferroviaire tout en limitant fortement les dépenses d’investissement prévues à cet effet.

 2- Baisse importante de la longueur des sections ouvertes

Le seul moyen d’atteindre cet objectif est d’ouvrir dans chacun de ces dix arrondissements une courte section, au lieu d’ouvrir une promenade longue d’au moins d’un kilomètre comme celles ouvertes ces dernières années dans les 15e et 16e arrondissements.

Les quatre premières sections dont l’ouverture est annoncée pour l’été 2016 ont une longueur comprise entre 100 et 425 mètres, alors que la promenade du 15e arrondissement emprunte la Petite Ceinture sur 1,3 kilomètres [2] et que le Sentier Nature mesure 1,2 kilomètres de long. [3]

Notons que la première section ouverte durant l’actuelle mandature, en janvier 2016, dans le 13e arrondissement, est elle-aussi courte : 532 mètres dont 350 mètres seulement sont aménagés en une promenade.

 3- Existence de fortes contraintes d’accès

La liste des sections envisagées met en évidence l’usage de trois critères de sélection.

Le premier critère est l’absence de construction d’accès coûteux à la plate-forme de la ligne depuis la voirie (ascenseurs, escaliers et rampes). C’est le cas dans les 12e, 13e, 15e, 16e, 17e, 18e et 20e arrondissements. Dans le 19e arrondissement, une rampe de service de la SNCF permet d’ores et déjà d’accéder à la plate-forme depuis la rue Petit. Seule la section du 14e arrondissement, où la Petite Ceinture est intégralement en profondeur, en tranchée ou en tunnel, nécessite l’installation d’un escalier de chantier.

Le deuxième critère est l’absence d’ouverture au public des tunnels pour de la promenade. C’est déjà le cas aujourd’hui pour la promenade du 15e arrondissement. En effet, l’aménagement d’un tunnel nécessite la présence d’éclairage public et d’accès pompiers, ce qui en augmente le coût.

Enfin, le troisième critère est l’absence de pont-rail rendu accessible au public. En effet, l’ouverture à la promenade d’un pont-rail augmente également les dépenses d’investissement.

 4- La Petite Ceinture, un laboratoire d’aménagements

Depuis la création de l’Association en 1992, le contexte de la Petite Ceinture ferroviaire a considérablement évolué : d’une ligne de chemin de fer encore utilisée pour du trafic de marchandises, le Petite Ceinture apparaît comme un enjeu d’aménagement au sens large. Cette emprise mythique est donc devenue, selon nous, un laboratoire d’aménagements, un site de recherches urbaines. Notre Association a pour ambition de participer à la phase de construction de l’avenir (ferroviaire, bien entendu) de cet espace atypique au sein d’une grande capitale.

Quels usages pour la Petite Ceinture ferroviaire à l’horizon d’un an, de cinq ans, de vingt-ans et au-delà ? Quelles utilisations peut-on envisager à certaines périodes de l’année ? À certaines heures ? Sous quelles modalités ? Les réflexions actuellement menées par les acteurs de ce dossier nous imposent de renforcer le rôle de force de propositions que nous tentons d’incarner depuis plus de vingt-ans.

 5- Notre proposition : des circulations de trains de découverte

Autorail de type Caravelle dans la tranchée du parc des Buttes-Chaumont.
Dans la tranchée du parc des Buttes-Chaumont. Au fond, l’entrée du tunnel de Ménilmontant (1124 mètres de long). Cliché : Romain Mortelette. Tous droits réservés.

À court terme, notre Association propose la reprise des circulations de trains de découverte en direction du grand public, telles que celles que nous avons animées en partenariat avec la SNCF et RFF (Réseau Ferré de France, aujourd’hui SNCF Réseau) à différentes reprises, comme en juillet 1993 sur la Petite Ceinture sud, puis en 1999, 2000 et 2003 sur les tronçons nord et est de la ligne. Ces circulations permettraient de :

  1. Valoriser l’ADN ferroviaire de la Petite Ceinture ;
  2. Franchir les tunnels et les ponts, qui constituent des obstacles aux ouvertures aux piétons et aux vélos et mettent ainsi fin au mythe de la coulée verte continue sur 23 kilomètres ;
  3. S’affranchir des problèmes d’accessibilité, qui contraignent fortement l’emplacement et la longueur des sections que la Ville de Paris envisage d’ouvrir au public. Les trains auraient comme point de départ et d’arrivée une gare terminus parisienne (comme Paris-Nord, Paris-Bercy ou Paris-Invalides) ;
  4. Rendre la ligne accessible à un grand nombre de personnes tout en préservant la biodiversité existante, la Petite Ceinture ne se prêtant pas à une forte fréquentation piétonne ;
  5. Assurer une activité économique offrant à la SNCF et à la Ville de Paris des redevances leur permettant de financer l’entretien de la ligne ;
  6. Servir d’élément fédérateur aux différentes activités développées le long des voies de la Petite Ceinture, tant sur les surlargeurs que dans les anciens bâtiments de voyageurs.
https://www.youtube.com/embed/rHcqzzCHB2I
La Petite Ceinture racontée par Jean-Emmanuel Terrier
Découvrez comment l’ADN ferroviaire de la Petite Ceinture de Paris marque ses paysages et son identité.
Un film de François Godard.

Comme le notaient déjà en 1991 deux étudiants en architecture de l’école de Paris-Belleville : « Dans les conditions actuelles, la Petite Ceinture est souvent ressentie et décrite comme une sorte de zone, un chemin quasi-déserté, un paysage ruiniforme et fantôme. Cela existe bien, mais pour un promeneur à pied. Mais si, par contre, on voit les paysages qui bordent la ligne d’un train en marche (une association organise un voyage annuel sur le trajet à bord d‘un matériel SNCF à vapeur), il apparaît des perspectives tout à fait différentes, parce qu’on découvre des ensembles et ce à bonne hauteur. Le cadre, c’est celui d’une ville vue à l’envers, donc sous un angle inattendu et attractif. […] Il y a donc là un patrimoine touristique absolument original et que seule une ligne de chemin de fer permet de découvrir sous un angle inédit, donc irremplaçable. » [4]

Il existe ainsi une complémentarité entre les deux échelles de parcours et de découverte des paysages de la Petite Ceinture aujourd’hui possibles : à pied au niveau local et en train au niveau métropolitain.

« Au niveau local, à l’échelle du quartier, sont concernés l’ancien bâtiment voyageurs, le pont, la tranchée au coin de la rue en ou en bas d’un immeuble. À ce niveau, l’intégration de la Petite Ceinture dans l’urbanisme et l’histoire du quartier sont à prendre en compte.
Au niveau régional, à l’échelle de l’agglomération francilienne, ce sont les connexions entre la Petite Ceinture et l’ensemble du réseau ferroviaire francilien qui importent. Ce niveau d’analyse souligne “l’effet réseau”, c’est à dire la présence de la ligne comme un élément constitutif d’un ensemble cohérent sur les plans géographique et historique. » [5]

Ces circulations de trains de découverte constitueraient des événements ponctuels visant le grand public. Notre idée est de proposer la durée et le prix d’une place de cinéma, pour découvrir Paris depuis la Petite Ceinture dans un long travelling, d’une durée comprise entre 1h30min et 2h30min. L’usage d’un matériel moderne, équipé de grandes baies vitrées, a pour but de faciliter le contact visuel entre le voyageur et les paysages traversés. Notre association assurerait un commentaire à bord.

 6- Nous rejoindre

N’hésitez pas à nous rejoindre si vous souhaitez participer avec nous à cette aventure !