Le modèle de la High Line de New York

, par Bruno Bretelle

Dès l’ouverture de la promenade réversible du 15e arrondissement durant l’été 2013, la Ville de Paris exprime l’ambition de s’inspirer de la High Line new-yorkaise pour aménager la Petite Ceinture [1]. Une source d’inspiration dont l’analyse est utile pour comprendre les caractéristiques du projet d’ouverture de nouvelles promenades par la Ville de Paris durant la mandature 2014-2020.

La High Line et l’Hudson
Vue prise depuis l’une des tours de Hudson Yards, au nord de la High Line. Cliché : Didier Dartois tous droits réservés.

En décembre 2001, à New York, un viaduc ferroviaire métallique ne présentant plus aucun intérêt pour le transport, situé dans le quartier Chelsea de l’arrondissement new-yorkais de Manhattan, est menacé de démolition (cliquer ici pour découvrir la localisation sur Google Maps). Face à cette menace, deux habitants du quartier, Joshua David et Robert Hammond, ont créé en 1999 l’association « Friends of the High Line » [2], qui défend la préservation de ce viaduc et sa transformation en promenade urbaine aérienne, la « High Line » (littéralement la Ligne Haute). Construit dans les années 1930 pour le transport de marchandises, ce viaduc n’est plus utilisé depuis le début des années 1980.

La High Line est ouverte en trois phases entre 2009 et 2014 sur une longueur de 2,3 kilomètres, ce qui représente 10% des 23 kilomètres sud, est et nord de la Petite Ceinture compris entre le siège de France Télévisions dans le 15e arrondissement et la porte de Clichy dans le 17e.

L’aménagement des deux premières sections représente un investissement de 152,3 millions de Dollars US, tandis que celui de la troisième section représente un investissement de 35 millions de Dollars US, soit un investissement total pour les trois premières sections de 187,3 millions de Dollars US. [3] En moyenne, cet aménagement a donc coûté environ 80 millions de Dollars US par kilomètre. Le coût d’aménagement des deux premières sections représente plus du double de celui de la troisième : environ 96 millions de Dollars US par kilomètre contre environ 43 millions de Dollars US par kilomètre en moyenne. Cette différence s’explique principalement par la réalisation d’aménagements paysagers plus légers sur la troisième section que sur les deux premières. En comparaison, l’aménagement de la promenade sur la Petite Ceinture dans le 15e arrondissement a coûté 5,3 millions d’Euros pour une longueur de 1,3 kilomètres, c’est à dire 8 à 10 fois moins au kilomètre.

La High Line au travers des immeubles
Vue de la première section ouverte prise près de la 16e Rue. Cliché : Didier Dartois tous droits réservés. Cliquer pour agrandir.

Le viaduc métallique a subi une rénovation complète avant d’être aménagé, incluant la dépose puis la repose de la voie ferrée. D’importants travaux ont été réalisés pour renforcer l’intégration du viaduc au tissu urbain environnant. Par exemple, des gradins ont été creusés dans la structure du viaduc afin de permettre aux visiteurs d’accéder à de grandes baies vitrées donnant à voir un vaste panorama urbain. La composition paysagère réalisée sur le viaduc est très variée en éléments de décors et en espèces végétales. [4]

La High Line connaît rapidement une forte fréquentation et un succès touristique tant national qu’international. Cet engouement stimule la réhabilitation du quartier qu’elle traverse, anciennement dédié à l’industrie de la viande et surnommé pour cette raison le « Meatpacking district » (littéralement le quartier du conditionnement de la viande). Cette réhabilitation est accompagnée d’une augmentation des prix de l’immobilier qui entraîne une augmentation des revenus de la Mairie de New-York et un phénomène de gentrification, bien que ce ne soit pas l’objectif des fondateurs de l’association « Friends of the High Line ». Face à ce constat, ceux-ci ont créé un forum, le « High Line Network » afin d’aider des projets similaires à la High Line à éviter ce phénomène de gentrification. [5] [6] [7] Le débat visible ci-dessous, mené en novembre 2017 par le Urban Democracy Lab de la New York University, explore au travers de l’exemple de la High Line les transformations culturelles, sociales, économiques et urbanistiques qui peuvent accompagner des projets de réutilisation d’infrastructure en ville.

https://youtu.be/Ev6YzklM_-E

Si les concepteurs de la High Line déclarent s’inspirer [8] de la Coulée verte René Dumont (ex-Promenade Plantée), située dans le 12e arrondissement et aménagée par étapes entre 1987 et 1993 sur la plate-forme de la partie parisienne de l’ancienne ligne de Vincennes, ils innovent en développant une stratégie de valorisation économique absente à Paris. Comme le note à ce sujet Gwenaëlle De Kerret : « La High Line a suscité une véritable opération de branding (NDR : gestion d’une image de marque), depuis sa réhabilitation grâce à une association d’habitants du quartier. Développement d’une identité visuelle, site web dédié, produits dérivés, programmation ludique et culturelle montée en partenariats avec des marques, tout a été fait pour favoriser la notoriété et l’attractivité du dispositif. Des panneaux 4 par 3 sont même disposés à intervalles réguliers le long de la High Line, pour promouvoir des produits ou services en lien avec “l’expérience High Line”. [...] De nouveaux concepts d’immeubles d’habitation et d’hôtels, reprenant certains attributs de la High Line, ont vu le jour sur ses bords. Plus qu’une insertion réussie dans le tissu urbain, la High Line contribue ainsi à refaçonner l’environnement et à renouveler l’identité des quartiers. » [9]

La forte fréquentation ainsi que le succès touristique et commercial de la High Line génèrent dès le début des années 2010 un phénomène de mode dans plusieurs grandes métropoles à travers le monde [10]. Cette mode apparaît dans un contexte de mondialisation où les grandes métropoles sont en concurrence pour attirer les investisseurs, les compétences et les touristes. À Paris, la tribune co-signée le 27 juin 2016 par Anne Hidalgo, Maire de Paris et Sadiq Khan, Maire de Londres, et qui défend le rôle prédominant des villes-mondes au XXIe siècle, ainsi que le développement depuis 2013 de marques commerciales par la Ville de Paris, comme la marque « Ville de Paris » sont deux initiatives de la Mairie prises dans le contexte de cette compétition. Concernant l’ouverture de nouvelles promenades sur la Petite Ceinture, au lieu de s’inspirer de la Coulée Verte René Dumont, la Ville de Paris préfère s’inspirer pour la mandature 2014-2020 de l’exemple new-yorkais en associant l’ouverture de nouvelles promenades à un projet de valorisation économique.